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100 CRIMES CONTRE L’ART de Karin Müller. Un livre à quatre dimensions

 

 

 

 

 

 

Préface de Jean Lacouture    Éditions  L'Écailler/Documents  Marseille.

 

 

 

Karin Müller avec Jean Lacouture, Pierre Thivolet, Michel Martin-Roland

 

 

 

Incroyable mais vrai… Voici un livre qui brave les lois de la narration, un livre multidimensionnel… En suivant le fil de ses pages, nous nous déplaçons en effet avec lui dans l’espace.  Du Nord au Sud de la planète. De l’Est à l’Ouest aussi. De même, ce livre nous embarque dans une superbe machine à remonter - et à redescendre- le temps… Le temps qui est  la troisième dimension. Mais là où il performe, comme on dirait en langage sportif,   c’est que son sujet, sublime et éternel, c’est l’art. Qui est sans doute la plus évidente des quatrièmes dimensions.

 

Quand l’homme dans son histoire de quelques dizaines de millénaires a voulu  s’élever au dessus des contingences et s’évader du quotidien pour aller vers l’absolu, pour sortir de sa caverne ( platonicienne ou non ), le recours le plus universel qu’il a toujours cherché, celui vers lequel il s’est toujours tourné ( au delà même des religions ou de la politique ) est celui de l’art.  Et lorsque pour les raisons les plus diverses, ou même sans raison, il s’attaque à des œuvres d’art ou les détruit, il commet un crime qui s’apparente au régicide, au parricide, au déicide. Parfois au canular…  qui tourne au cauchemar.

 

Un urinoir, c’est fait pour uriner. Sauf celui que Marcel Duchamp a élu œuvre d’art et baptisé « Fontaine », en 1917, en le signant R. Mutt. Le réceptacle de porcelaine tente un beau jour le Niçois « inspiré » Pinoncelli qui décide de pisser dans le « ready-made » exposé au Carré des Arts de Nîmes en 1993. L’objet est une réplique de 1964 de l’original disparu.  L’acte,  idiot, devient absurde et criminel lorsque le fada, prétendument dada, attaque l’urinoir avec un marteau. Une manie pour ce provocateur qui s’en prend à nouveau à cette pièce en 2006 : trois mois de prison avec sursis  et près de 15 000 euros de dommage et intérêt…

 

L’affaire est plus grave et plus catastrophique lorsque des humains détruisent à tout jamais des œuvres immémoriales. Ce sont les Bouddhas de Bamiyan, à deux cent trente kilomètres au nord de Kaboul en Afghanistan, réduits en poussière par les talibans iconoclastes en 2001.  C’est le Parthénon transformé en poudrière par les Turcs qui explose en 1687 sous l’effet d’une bombe vénitienne. C’est le petit dessin de Seurat volé par un garçon traiteur qui disparaît en fumée dans l’évier du chapardeur lorsque celui-ci s’aperçoit  qu’il ne pourra pas en tirer profit. C’est la face du Sphinx de Gizeh saccagée en 1378 par un soufi fanatique, Mohammed Sa’im al-Dahr, qui finit pendu par les paysans égyptiens.

 

On pourrait citer d’autres horreurs racontées avec une grande simplicité, beaucoup de précision et d’efficacité par Karin Müller. Des vandalismes qui concernent la petite sirène de Copenhague ; l’Artémision d’Éphèse –une des 7 merveilles du Monde- brûlé par Érostrate en 356 avant J.C. ; le château d’Immendorf en Autriche, incendié par les nazis avec ses 300 dessins et 13 toiles de Klimt, ses 300 tapis précieux, le 8 mai 1945 ; le portrait de Philippe IV par Rubens ; la bibliothèque de Goethe ; la cathédrale de Reims ; des tableaux de Cy Twombly, de Basquiat,  de Pablo Picasso ou de Poussin… ; les centaines de chefs d’œuvre anéantis le 11 septembre 2001 dans le drame des twin towers du World Trade Center à New-York…

 

Parfois la mésaventure se termine moins tragiquement : « La Joconde » volée au Louvre le 21 août 1911 est récupérée en décembre 1913 ; « La Madone au fuseau » de Vinci - encore lui - volée au château de Drumlanring en Écosse, en 2003 est retrouvée quatre années plus tard par la police… Parfois des disparitions deviennent des énigmes qui ne seront peut-être jamais tirées au clair, mais s’ouvrent sur des mystères insondables… On aurait pu, dans le livre, ("100 Crimes...", plus 1 en bonus) trouver d’autres exemples. Il en fourmille. C’est un de ses multiples intérêts. On y découvre,  des dizaines d' histoires, tristes ou drôles, narrées d'une plume alerte. Et l’on en tire ( au moins ) une  leçon, c’est que  si l'Art est éternel,  les œuvres d’art sont mortelles.

 

Quand on jette un coup d’œil sur l’index fort utile en fin d’ouvrage on peut relever la liste –significative ?-  les artistes les plus fréquemment cités pour dommages subis à leurs œuvres : Matisse, Bacon, Van Gogh, Warhol, Le Titien, Rembrandt, Monet,  Renoir, Modigliani, Picasso, Munch, Courbet, Beuys, Vinci, Lucian Freud…  Adolph Hitler est aussi plusieurs fois présent, mais pas en tant qu’artiste… Et pas non plus comme victime…

Jacques Bouzerand



20/12/2012
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