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Clovis Trouille: "Voyous, Voyants, Voyeurs "


Clovis Trouille: "Voyous, Voyants, Voyeurs "

Vous ne connaissez pas Clovis Trouille ? Parfait ! Vous allez entrevoir du neuf. Vous le connaissez ? Génial ! Alors,  vous allez courir à l'Isle-Adam pour admirer les tableaux qu'il nous a laissés et que nous montre le « Musée d'Art et d'Histoire Louis-Senlecq » de l'Isle-Adam jusqu'au 7 mars 2010. Après ce sera le tour du « Musée Arthur Rimbaud » de Charleville-Mézières du 15 mai au 21 septembre puis du « Musée du Vieux Château » de Laval du 16 octobre au 16 janvier 2011.

Pour ma part, j'ai découvert cet artiste incroyable et décoiffant, en décembre 1959, dans la galerie de Daniel Cordier, rue de Miromesnil, où était organisée la VIIIème Exposition intErnatiOnale du Surréalisme. ( vous avez…ce faisant, dans les majuscules, lu Éros ). Clovis Trouille y était représenté par deux tableaux : «  Dolmancé et ses fantômes de luxure » ; « Le poète rouge ». André Breton et Marcel Duchamp, en grands organisateur de ce manifeste consacré à l'érotisme, y avaient invité les plus magiques et les plus grands : Max Ernst, Dali, Arp, Matta, Tanguy, Bellmer, Matta, Masson, Molinier, Picabia, Chirico, Giacometti, Rauschenberg, Man Ray pour n'en citer que quelques uns. Et parmi eux donc Clovis Trouille dont les tableaux à la fois peints avec tant de maîtrise et de précision et tellement oniriques et érotiques ne pouvaient que fasciner. De Gaulle régnant, (et avec lui surtout toute une armée et toute une administration de bigots ), la censure des esprits, des images et des mœurs allait bon train et rendait tout dérapage difficile et dangereux. Dans ce palmarès de la provocation, Clovis Trouille faisait déjà figure de Maître. André Breton lui avait même dédicacé ainsi dès 1937 son exemplaire de « L'Amour fou » : « Au grand maître du tout est permis ».

Hélas, on ne voyait guère, à l'époque, d'autres œuvres de ce peintre. Seules quelques revues confidentielles y faisaient parfois allusion. Ou des libraires inspirés comme Éric Losfeld, rue de Verneuil puis rue du Cherche-Midi,  Roger Cornaille, au « Minotaure », 2, rue des Beaux-Arts…

En 2000, une autre exposition Clovis Trouille avait eu leu au « Musée des Arts d'Afrique et d'Océanie » à côté du Zoo de Vincennes. Bien moins performante.
Ici, à l'Isle-Adam, sous la houlette d'Anne-Laure Sol, Clovis Trouille est montré et démontré. Né en 1889 dans l'Aisne, Clovis Troulle est mort à Paris en 1975. Après les Beaux-Arts ( 1905-1910 ), un passage de deux années comme dessinateur de mode chez Draeger, la guerre, son mariage, il entre chez le fabriquant de mannequins Pierre Imans. Pendant trente cinq, il va maquiller et retoucher des mannequins celluloïd, ce qui lui permet de vivre sans préoccupation matérielle. Et ce qui lui donne la possibilité de développer son art. Dès 1930, il participe, dans le sillage des surréalistes à des expositions du groupe, mais aussi au Salon des Indépendants, au Salon des Surindépendants, au Salon de Mai. Raymond Cordier, en 1963, présente ses créations. En 1969, - année érotique- ,  l'Eden Theatre de Broadway monte la comédie musicale «  Oh ! Calcutta, Calcutta ! » inspiré par une de ses toiles.

De l'inspiration, Clovis Trouille en avait à la pelle. L'Amour d'abord, la Mort aussi et entre les deux pôle de la vie humaine toutes les variations les plus extravagantes. Comme le Marquis de Sade dont les fantaisies et les personnages ( Justine, Dolmancé… ), lui donnait des idées, Clovis Trouille détestait les religions et leurs représentants. Il se moquait d'eux et les fustigeait sévèrement en raillant leurs rites, leurs symboles, leurs idoles…. Il transformait les prélats et le Pape en organisateurs de débauches, les couvents et les monastères en bordels fabuleux… Aucun pouvoir ne résistait à sa férocité : le police en a reçu aussi pour son grade… Mais sous son pinceau précis, les plus immenses vacheries se muaient en scènes oniriques aux couleurs vives alliant la drôlerie au subtil, le grotesque au sublime…

Les toiles de Clovis Trouille sont très difficile à trouver sur le marché de l'art. Le ( précieux ) site « Artprice », qui répertorie l'ensemble des ventes aux enchères, ne relève, sur les vingt dernières années, la mise l'encan que de 17 de ses peintures.  La dernières salve d'enchères effectives remonte à  avril 2004, la maison de vente Calmels-Cohen adjuge alors « Les musiciens ou Madame Rosa Voyante » une huile sur toile de 1939, pour 30 000 € ; « Le grand poème d 'Amiens » une huile sur toile peinte entre 1945 et 1963 de 100 cm sur 81 pour 40 000 € ; « Voyeuse » une huile sur toile de 1960 de 46 cm sur 38 pour 155 000 €. Le meilleur prix est atteint par « Religieuse fumant une cigarette » huile sur toile de 51cm sur 46 de 1944. Le tableau atteint les 240 000€. Il avait fait partie, il et vrai,  de la collection personnelle d'André Breton.      

 Il faut savoir aussi que l'exposition analyse les emprunts artistiques de Clovis Trouille aux grands ancêtres: Giorgione, Titien, Watteau, Zurbaran et qu'elle est complétée par une vue cavalière et passionnante sur les oeuvres de quelques uns des artistes amis ou épigones de Clovis Trouille :Maurice Rapin ( 1927-2000); Alfred Courmes ( 1898-1995 ) dont les fresques, très "Front popu" ornent les murs de la salle à manger de l'ambassadeur de France à Ottawa; Pierre Molinier ( 1900-1976 ); Gérard Lattier ( né en 1957 ); Erro ( né en 1932 ) et Anne Van der Linden; Jean-Pierre Nadau; Bruno Baloup; Francis Marshall; Hervé di Rosa. Le passé, l'avenir; la Vie, l'Amour, la Mort... On est vraiment chez Clovis Trouille.  JB

 

 

 

 

 



21/01/2010
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