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Germain Caminade : Au coeur de la couleur.

 

Voilà un peintre de ce siècle qui pour donner le jour aux images projetées par sa créativité utilise les moyens les plus classiques et les plus éprouvés de son art millénaire : la peinture. Aujourd'hui, comme voilà quatre ou cinq cents ans les artistes les plus immémoriaux, les Vinci, les Raphael, les Titien…, il va directement aux  pigments et les travaille à l'huile. Germain Caminade n'est pas, mais pas du tout, un adepte de l'acrylique ni des couleurs préfabriquées vendues en tubes ou en bocaux. Il ne court pas après le vite-fait ni l'approximation industrielle. La peinture pour lui est un sacerdoce et une éthique.

 

Sa palette joue dans les grandes largeurs entre le vif inouï des jaunes, des verts, des orange extrêmes et l'apaisé de teintes plus calmes. Il lui faut donc aller chercher patiemment dans les oxydes, les cristaux, les métaux, les fluos… les éléments colorés  subtils qui correspondent exactement à son désir et qui donnent à son travail sur la toile leur spécificité, leur originalité, leur valeur. Germain Caminade  doit, dans sa recherche quasi alchimique, faire jaillir la teinte la plus exacte et précise. Sa quête de la tonalité juste est une ascèse à laquelle il se livre.

 

Si j'insiste sur la couleur - les couleurs - et la matière des oeuvres de Germain Caminade, c'est parce que pour leur forme on ne peut appréhender d'un seul coup d'œil, d'une seule vue cavalière, les voies majeures qu'emprunte l'artiste, successivement ou paralèllement ou dans la concomitance. C'est aussi ce qui fait la singularité de Germain Caminade.

 

Pour simplifier la perception que l'on peut avoir du trajet de l'artiste, je définirais trois pistes dans l'ensemble de ses propositions.

La première est celle de la figuration. Visages, scènes composées, groupes de personnes, animaux… constituent ce premier ensemble d'images qui tendent le plus souvent vers l'épure. Elles se définissent en chocs d'espaces peinture/lumière  où le tracé, le « peint » appellent la contribution du spectateur pour qu'il comble ce qui est un vide, mais aussi une invitation à exprimer son propre dessein.

 

La deuxième piste du travail de Germain Caminade est celle de la composition que l'on peut déclarer au premier coup d'œil abstraite. Il s'agit d'assemblages, plus ou moins lâches ou plus ou moins serrés, de formes à la géométrie imparfaite, colorées, en tension l'une envers l'autres, libres ou cernées. Ces ensembles de formes évoquent, si l'on veut, celles qui  trament  les tissus de l'ancienne Amérique, des Indiens du Sud ou de l'Afrique des tribus, comme celles des N'tchak du Congo, ou certains  « wax », ces tissus ornés à l'aide de cire. Par leurs coloris, leur imperfection formelle décidée, ces formes imposent leur présence mystérieuse et, du coup, faisant fuir l'idée première de  l'abstraction et le risque de sécheresse  qui serait impliqué par une méthode trop méthodique, elles se trouvent  chargées d'un fort potentiel émotionnel.

 

Dans un mode connexe, Germain Caminade a inventé aussi une figure, une représentation qui lui est personnelle. C'est une icône, apparemment très simple.  Très puissante en réalité. Il s'agit de ses tableaux intitulés « Équilibres/tensions ». Un grand cercle de couleur unie, entouré seulement par le blanc du fond, est largement installé sur la moitié supérieure de la toile. Deux barres larges superposées,  occupent, elles, la moitié inférieure du tableau dont le reste n'est que blancheur. Ces trois éléments sont peints avec liberté, sans règle ni compas,  chacun de couleurs différentes mais qui vibrent indiciblement l'une par rapport à l'autre. Ces éléments  apparaissent même comme en lévitation ou mieux comme tenus à distance l'un de l'autre par une sorte d'effet magnétique ; comme si la loi de gravitation  décrite par Newton et par Einstein leur imposait ici aussi sa règle universelle. Ce qui explique sans doute une part du pouvoir attractif qu'exercent ces œuvres.

 

Troisième voie enfin chez Germain Caminade, celle de l'abstraction à proprement parler (sans que l'expression banale épuise ici le sujet. C'est plus compliqué).  Je préfèrerais pour ma part accoler à ce champ la qualification d'« informel ». Mais dans cet espace, l'artiste a lui-même donné des titres dynamiques  à trois séries : « Galactiques », « Organiques », « Énergies »…

C'est le lieu où le peintre se donne un maximum de liberté. Mais aussi le maximum de plaisir dans une véritable euphorie picturale. Pour ses «Galactiques », par exemple, il serait trop facile d'aller chercher du côté de Jackson Pollock parce que…  les drippings y ont joué un rôle. Ça n'a à vrai dire rien à voir. La marque du crayon, Caran d'Ache ou Conté,  n'a jamais engagé aucun poète. Nous sommes dans deux mondes différents. Celui de Germain Caminade est une musique où les accords sont savamment calculés pour donner du bonheur à voir ce qui est lancé sur la surface plane. Il en va de même pour ses « Organiques » où d'autres références pourraient être sollicitées, mais à quoi bon, puisque l'énigme du travail de l'artiste, se résout ici et maintenant, sur la toile qu'il maîtrise de A jusqu'à Z. La série « Énergie » pourrait valoir des remarques du même genre qui aideraient à en affirmer l'originalité. Celle-ci réside d'abord dans l'énergie des couleurs et des dispositifs qui mettent celles-ci en jeu, en opposition, en cohabitation, en tension… Tout cela dans une parfaite harmonie du déséquilibre.

 

J'évoquais un peu plus haut les trois voies empruntées par Germain Caminade pour construire son œuvre. Si l'on veut bien être un tout petit peu plus perspicace et lire sous les lignes ou entre elles ce que nous propose le peintre, on peut dès lors comprendre et voir que ces trois directions sont finalement parallèles, cohérentes, congruantes et que les finalités des unes et des autres, dans un travail acharné de recherche et d'exploration, affirment la suprématie de la couleur et de la peinture. Pour approcher la vérité de l'artiste.

Cette œuvre, d'un peintre d'aujourd'hui, fait l'objet d'une vaste exposition personnelle à la Galerie Estace, 24 rue Beaubourg, du 28 novembre au 28 décembre.  Cette galerie parisienne a été la première à montrer le travail de Germain Caminade dès 2007 et à le présenter dans des foires d'art (Slick 2008 et Slick 2010).

Cette exposition se tiendra dans les 300m2 du 24 Beaubourg, sera la troisième exposition personnelle de Germain Caminade avec la galerie Estace après Organiques en 2010 et Mixdesign en 2012.

Estace-Leipzig présentera une exposition de Germain Caminade en 2014. 

Régis Estace, qui « suit » Germain Caminade depuis de nombreuses années, va permettre ainsi aux amoureux de la peinture de cheminer à nouveau avec le peintre tout au long de ses variations. De son œuvre en marche.

 

Jacques Bouzerand

 

Novembre 2013



31/10/2013
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