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Le Prince de Hombourg (Avignon 2014)

Ça commence, dans la pénombre du plateau du Palais des papes, par une étrange scène où six ou sept très beaux jeunes gens, tous nus et attributs au vent, se pelotent gentiment avant d’enfiler à l’un deux monté sur leurs épaules sa liquette et son pantalon… Ne nous sommes nous pas trompés de spectacle ? Est-ce « Le Prince de Hombourg » de Heinrich von Kleist (1777-1811) ou bien une piècette gay, « On en pince pour le prince à Hambourg » ? (1)

On est vite détrompé et ramené à la raide réalité. C’est bien Kleist que la Festival d’Avignon a voulu ainsi rhabiller de nouveaux atours. En 1951, sur le même podium, s’affichaient sur le même titre Gérard Philipe, Jeanne Moreau et quelques autres tels Jean Deschamps, Monique Chaumette, Jean Négroni, Jean-Pierre Jorris, Charles Denner… Jean Vilar aux manettes.

Nous voilà donc soixante-trois années plus tard, devant un même projet. Le pitch ? Le Prince de Hombourg, un héros romantique, est victime de crises de somnambulisme. Le voilà qui se réveille dans la cour du château et trouve à côté de lui le gant blanc de son aimée Nathalie. Las, plutôt que de rêver ou de somnambuler, il aurait dû se lever très tôt pour aller lancer une bataille… Zut de flûte. Frédéric prend ses jambes à con cou, rejoint le front, emporte la victoire. Ouf ! Eh bien non. Le prince a désobéi. Il sera châtié. La cour martiale le condamne à la mort. Lui, ne veut pas mourir, il geint, il pleurniche, mais il est fier et courageux. Tant pis, il est conduit au peloton d’exécution les yeux bandés. C’en est donc terminé. Pas du tout… car au lieu des douze balles, on lui a réservé un tout autre châtiment : le mariage avec sa belle. Il tombe dans les pommes. Fin.

Pour faire du mélo ainsi résumé un chef d’œuvre qui tienne la route, il faut non pas du talent, mais du génie. Et manifestement, à Avignon, le stock est depuis belle lurette épuisé. On nous installe sur scène une troupe de militaires en capotes grises particulièrement lourdingues et mal datées : serait-on chez Brecht ? en 14-18, après l’abandon du rouge garance ? Même Paulin, déguisé en pioupiou, avait plus d’allure que les Prussiens dans la cour du Palais des papes. Et quand on voit le Prince Frédéric en chemise et bretelles à la Feydeau on se trouve irrésistiblement pris d’un fou rire déplacé.

Laissons de côté le texte – dont la traduction m’a paru bien pâteuse pour un texte initial en vers - et écoutons le son. Fermons les yeux. Ces voix enflées, ces rodomontades, ces vociférations ampoulées, cette scansion… nous y voilà : Mounet-Sully est de retour.

Bref, le charme est rompu. Je n’ai plus que le regret de me retrouver devant un vaudeville grotesque. Nous voilà même gratifiés, avant que le (symbolique et absent) rideau ne tombe sur la catastrophe d’une bizarrerie supplémentaire. Retenu par un réseau d’élastiques le prince s’envole à mi-hauteur et se remue là-haut comme un pantin désarticulé… Drôle de façon de s‘évanouir, on l’envoie en l’air…

À ce singulier spectacle d’aujourd’hui, sans l’ombre d’un remords, je préfère cent fois le souvenir vaporeux qu'ont laissé nos idoles des planches de l’après-guerre, leurs voix sur disques de vinyle et leur images que l'on retrouve dans les encyclopédie du théâtre ou les pages de l’internet… Major e longinquo reverentia ? Certes. Les souvenirs s’améliorent avec le temps qui passe. Ah, j’oubliais. Non, non, le décor n'était pas nul… JB

 

(1) La nudité de ces garçons ne me pose aucun problème, ils étaient très regardantes.. Ce qui m'a énervé c'est le non-sens de cette entrée en matière. Le décalage entre ce prologue quasi onirique et le quasi réalisme de ce qui suivait. Si les soldats de Prusse avaient porté des uniformes emplumés face et dos, des képis avec des aigrettes, des boucles d'oreille et des éventails, que sais-je, j'aurais été moins agacé… Mais Kleist dans tout ça???



07/07/2014
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