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Le surréalisme est en pleine forme (2003)

Le surréalisme est en pleine forme (2003)

    


Qui l'eût crû? Le surréalisme ne s'est jamais aussi bien porté. La vente-événement de la collection Breton, du 1er au 18 avril, à Drouot-Richelieu, à Paris, par l'étude CalmelsCohen, offrira une nouvelle occasion de le démontrer. Le marché de l'art enregistre en effet depuis un bon moment déjà un intérêt phénoménal pour les productions qui s'y rattachent. Magritte, Dali, Ernst, Miro, Tanguy, Chirico, et les autres…rivalisent désormais avec les plus grands noms de la cote de l'art moderne.
    Rien d'étonnant au fond: le surréalisme , né comme un mouvement d'avant-garde, a ouvert sans limite  le champ de la création artistique. Peinture, dessin, gravure, collage, photo, photogrammes, solarisations,  films, cadavres exquis, objets façonnés, boîtes magiques…les  surréalistes  ont exploré tous les supports. Aujourd'hui les concepts  surréalistes sont partout. Ils nourrissent une très large part de l'art contemporain. Man Ray, par exemple, était l'idole d'Andy Warhol, quant aux codes de Duchamp, ils inondent  notre univers du marketing, de la publicité et de l'art.
Il ne faut pas oublier que de magistrales  expositions organisées  ces toutes dernières années  ont remis le surréalisme dans la pleine lumière des phares médiatiques: celle du Centre Pompidou, " La révolution surréaliste", montrée ensuite à Düsseldorf; "Desire unbound" présentée à la Tate Gallery à Londres puis au Metropolitan à New York. Quant à  "Surealismo", organisée  à la Banque du Brésil à Rio de Janeiro et gratuite d'accès, elle a vu se presser 700 000 visiteurs.

            Un art pour notre temps

Les premières manifestations  du surréalisme datent de 1919 avec la création à Paris de la revue "Littérature" par le trio de choc Aragon, Breton, Soupault,  et notamment aussi la publication du texte des "Champs magnétiques" d'André Breton et Philippe Soupault. En 1924, André Breton rédige et lance "Le manifeste du surréalisme". Et quatre-vingts ans plus tard, on voit bien quelle influence extraordinaire cette façon nouvelle et radicale d'envisager le monde, de le voir, de le penser, a pu avoir sur notre univers. C'est à bon droit que l'an dernier, présentant l'exposition du Centre Pompidou, Jean-Jacques Aillagon évoquait un héritage qui a "révolutionné notre culture." "S'il y a dans le surréalisme  comme une poésie des temps de catastrophe, du "Temps menaçant"- pour reprendre la titre du célèbre tableau peint par Magritte en 1929- ne demeure-t-il pas alors un art de notre temps, un art pour notre temps?"
Les collectionneurs, institutionnels  ou privés, ont déjà senti le vent se lever. Prenez René Magritte. En novembre 1998, chez Christie's New York, "Les valeurs personnelles " un tableau de 1952 de ce peintre était vendu 7 152 500 dollars sur une estimation de 2 à 3 millions de dollars;  " Le tombeau des lutteurs", une toile de 1960 du même artiste, était adjugée  5 722 500 dollars, sur une estimation de 1,5 à 2 millions de dollars; et "Le fils de l'homme ", aussi de René Magritte, faisait 5,392 millions de dollars au marteau. `
Voyez Salvador Dali. En mai 1990, chez Christie's , une toile de l'Espagnol réalisée en1952, " Assumpta corpuscularia lapislazulina "était adjugée 4, 07 millions de dollars et le 10 décembre 1998 une autre toile de Dali "Printemps nécrophilique" de 1936 était vendue 2,264 millions de dollars.
En décembre 2000 chez Sotheby's à Londres, le tableau de Salvador Dali, "Ma femme nue regardant son propre corps devenir marches, trois vertèbres d'une colonne, ciel et architecture ", de 1945 s'arrachait à 4,065  millions de dollars.
Glissez chez Tanguy, moins célèbre. Un grand tableau représentant un paysage d'Yves Tanguy, partait pour 2,504 millions de dollars chez Christie's à Londres le 8 décembre 1998 et un paysage surréaliste  du même peintre était adjugé 1,584 million de dollars par l'étude Millon et associés, Camard, le 15 décembre 1999 à Paris.
Plus récents, les résultats de Joan Miro, chez Christie's en novembre 2001, sont époustouflants. 12,656 millions de dollars (sur une estimation de 4 à 6) pour " Le portrait de Mme K.", 11,004 millions de dollars pour son "Paysage sur les bords du fleuve amour; 8,916 millions de  dollars pour "Danseuse espagnole" , trois œuvres provenant de la collection Gaffé. Mais déjà  chez Sotheby's en novembre 1989, Miro avait atteint 9,350 millions de dollars  pour " L'oiseau au plumage déployé vole vers l'artiste".
Max Ernst, pour sa part, a atteint son record à 2,429 millions de dollars chez Sotheby's le 5 novembre 2002 pour un bronze "Le roi jouant avec la reine".
Max Ernst, pour sa part, a atteint son record à 2,429 millions de dollars chez Sotheby's le 5 novembre 2002 pour un bronze "Le roi jouant avec la reine".
Ces résultats, on le conçoit, entraînent sur le marché des vendeurs qui attendent beaucoup de leurs propositions. Le 3 février au soir à Londres, Christie's présentait au cours de sa vente intitulée "L'art du surréel" quelque quarante œuvres surréalistes des peintres les plus connus. René Magritte, avec des gouaches,  "L'éclair", "Les affinités électives", " La victoire" et, surtout une toile, " Les barricades mystérieuses"., Max Ernst avec "Convolvulus! Convolvulus!" ou "Colombes s'enfermant dans leurs ailes. Trois colombes".  Et puis Tanguy, Dali, Miro Picabia;  et même Picasso avec un dessin de 1933 une époque au cours de laquelle il s'était rapproché du cercle de Breton qui disait alors de lui " Picasso nous appartient d'une certaine manière"

Un art pour notre temps

Les premières manifestations  du surréalisme datent de 1919 avec la création à Paris de la revue "Littérature" par le trio de choc Aragon, Breton, Soupault,  et notamment aussi la publication du texte des "Champs magnétiques" d'André Breton et Philippe Soupault. En 1924, André Breton rédige et lance "Le manifeste du surréalisme". Et quatre-vingts ans plus tard, on voit bien quelle influence extraordinaire cette façon nouvelle et radicale d'envisager le monde, de le voir, de le penser, a pu avoir sur notre univers. C'est à bon droit que l'an dernier, présentant l'exposition du Centre Pompidou, Jean-Jacques Aillagon évoquait un héritage qui a "révolutionné notre culture." "S'il y a dans le surréalisme  comme une poésie des temps de catastrophe, du "Temps menaçant"- pour reprendre la titre du célèbre tableau peint par Magritte en 1929- ne demeure-t-il pas alors un art de notre temps, un art pour notre temps?"
Les collectionneurs, institutionnels  ou privés, ont déjà senti le vent se lever. Prenez René Magritte. En novembre 1998, chez Christie's New York, "Les valeurs personnelles " un tableau de 1952 de ce peintre était vendu 7 152 500 dollars sur une estimation de 2 à 3 millions de dollars;  " Le tombeau des lutteurs", une toile de 1960 du même artiste, était adjugée  5 722 500 dollars, sur une estimation de 1,5 à 2 millions de dollars; et "Le fils de l'homme ", aussi de René Magritte, faisait 5,392 millions de dollars au marteau. `
Voyez Salvador Dali. En mai 1990, chez Christie's , une toile de l'Espagnol réalisée en1952, " Assumpta corpuscularia lapislazulina "était adjugée 4, 07 millions de dollars et le 10 décembre 1998 une autre toile de Dali "Printemps nécrophilique" de 1936 était vendue 2,264 millions de dollars.
En décembre 2000 chez Sotheby's à Londres, le tableau de Salvador Dali, "Ma femme nue regardant son propre corps devenir marches, trois vertèbres d'une colonne, ciel et architecture ", de 1945 s'arrachait à 4,065  millions de dollars.
Glissez chez Tanguy, moins célèbre. Un grand tableau représentant un paysage d'Yves Tanguy, partait pour 2,504 millions de dollars chez Christie's à Londres le 8 décembre 1998 et un paysage surréaliste  du même peintre était adjugé 1,584 million de dollars par l'étude Millon et associés, Camard, le 15 décembre 1999 à Paris.
Plus récents, les résultats de Joan Miro, chez Christie's en novembre 2001, sont époustouflants. 12,656 millions de dollars (sur une estimation de 4 à 6) pour " Le portrait de Mme K.", 11,004 millions de dollars pour son "Paysage sur les bords du fleuve amour; 8,916 millions de  dollars pour "Danseuse espagnole" , trois œuvres provenant de la collection Gaffé. Mais déjà  chez Sotheby's en novembre 1989, Miro avait atteint 9,350 millions de dollars  pour " L'oiseau au plumage déployé vole vers l'artiste".
Paul  Delvaux, chez Christie's Londres en décembre 1998 bondissait à 5 millions de dollars avec "La ville inquiète" ( sur une estimation de 1,3 million de dollars), record battu l'année suivante chez Christie's Londres avec "Le miroir" à 5,2 millions de dollars.
 Ces résultats, on le conçoit, entraînent sur le marché des vendeurs qui attendent beaucoup de leurs propositions.
 Le 3 février au soir à Londres, Christie's présentait au cours de sa vente intitulée "L'art du surréel" quelque quarante œuvres surréalistes des peintres les plus connus. René Magritte, ( dont il faut voir la rétrospective au Musée du Jeu de Paume à Paris) avec des gouaches,  "L'éclair" (vendue 447 462 euros) ou" La victoire" ( 884 756 euros) et, surtout une toile, " Les barricades mystérieuses".qui  a atteint 3 205 778 euros. Max Ernst avec "Epiphanie ", vendu 1 523 878 euros établissait son record pour une toile. Très beaux résultats. " Cela confirme que le Surréalisme est encore sous-évalué, assure Olivier Camu, directeur international  département impressionistes  et modernes, Christie's Londres. De nouveaux collectionneurs  européens et américains arrivent dans ce domaine."                        
Pas encore au niveau le plus haut

Et Sotheby's, qui a déjà fait les années passées du surréalisme l'objet de deux ventes spécialisées,  présentait à Londres les 4 et 5 février une sélection d'œuvres surréalistes lors de sa vente très choisie d' impressionnistes  et de modernes. Au menu notamment: Dali, avec "La Naissance du Nouveau Monde" et "La Jeune Vierge auto-sodomisée par les cornes de sa propre chasteté"; Tanguy, avec "Rue aux Lèvres"; Magritte, avec "La Belle de Nuit"; Max Ernst, avec "Messaline Enfant"; Et encore Miro, Brauner…
    Pour Andrew Strauss, expert chez Sotheby's, grand connaisseur et vrai passionné  du surréalisme, ce courant artistique majeur n'a, du point de vue des prix, pas encore atteint son niveau. " Depuis les années 60, dit-il,il existait certes un marché pour ce mouvement, très sophistiqué  et très intellectuel, très français, mais qui n'avait pas globalement explosé. Encore faut-il établir de grandes distinctions  selon les artistes et selon leurs modes d'expression. Avec une forte prime pour l'art visuel, surtout la peinture. Dali ou Magritte suscitaient déjà une forte demande. Mais les prix les plus hauts restaient de l'ordre de 3 à 4 millions de dollars. Dans les années  80, .il y a eu quelque très beaux résultats, mais rien de très étonnant: ils restaient en tout cas sous la barre des 10 millions de dollars. Aujourd'hui les chefs d'œuvres peuvent franchir cette barre. On peut ainsi attendre 12 millions de dollars pour un Magritte ou un Dali de première qualité. Ce marché  a donc de très beaux jours devant lui. Car si la demande  est renouvelée, l'offre est et demeurera insuffisante."  
" Cette faveur, explique Andrew Strauss, correspond à un changement de génération des collectionneurs.  Pour eux, l'impressionnisme  ou l'art moderne, Picasso, les Fauves, sont soit introuvables soit trop chers. Les nouveaux collectionneurs,  ceux de très haut niveau s'entend, accueillent  le surréalisme avec beaucoup de fraîcheur."

            Prime fétichiste

Autant dire que lors de la vente Breton on scrutera d'un œil intrigué les résultats des artistes les plus connus et les plus prisés: Miro, Hantaï, Alechinsky, Baj, Ben, Arman, Klapheck, Lam, Trouille, Molinier, Filliger, Dominguez. Mais on examinera de près aussi les enchères portées sur la pléiade d'artistes collectionnés par le Maître, bien dans la mouvance, mais qui n'ont pas tous atteint la célébrité ni, cela va de soi, les plus fortes cotes.
Marcel Fleiss, expert de la vente, mais surtout marchand  (à la Galerie 1900-2000) spécialisé depuis 30 ans dans le surréalisme  (150 expositions dont Man Ray en 1972, Matta en 1973) explique:
"Il y a un marché qui s'adresse de longue date à un petit, trop petit nombre de collectionneurs,  de passionnés . Ceux-ci ont déjà découvert les artistes méconnus qui présentent de fortes chances de sortir de l'ombre. Ces artistes, voilà 40 ou 50 ans, étaient soutenus par des galeries qui ont disparu: Celles d'André François, de Marcel Zerbib, la galerie Tronche, Calatchi, Cordier…Leur carrière en a pâti."
Ces artistes, qui sont ils? Herold, Paalen, Domati, Caceres, Jennings, Ribemont-Desaigne,  Malkine, Toyen, Laloy, Elleouet, Gravell…Des peintres qui ont participé à beaucoup d'expositions  organisées par André Breton. De 2 000 à 20 000 euros il y aura là une belle brochette d'œuvres à valeur ajoutable. Plus accessibles  encore seront les œuvres dont Breton raffolait :celles d'un médium comme Joseph Crépin;  l'art brut de Scottie Wilson; le travail de Vivancos; des tableaux chinés à Drouot ou aux puces;  des naïfs ou les toiles d'une égérie de l'époque, Poucette. On y additionnera naturellement la prime fétichiste que vaut à une œuvre d'avoir été possédée par André Breton en personne. Ce qui d'ailleurs ne tue pas ses capacités futures d'appréciation.... On a ainsi vu un Picasso vendu 1,2 million francs (182 939 euros) à la vente Dora Maar obtenir 548 816 euros l'an dernier chez Sotheby's!





    


Encadré
Les trésors du Pape



    La vente de l'atelier d'André Breton qui doit se tenir à l'Hôtel des ventes Drouot-Richelieu du 1er au 18 avril 2003 par l'entremise de la Maison de vente CalmelsCohen figurera comme un événement historique. Le contenu du 42, rue Fontaine, qui fut de 1922 à 1966 la demeure du Pape du Surréalisme, constitue un trésor qui n'a pu continuer d'être conservé en l'état, faute de moyens des ayant-droit, faute aussi de volonté des pouvoirs publics. Aussi les musées, les institutions internationales de la culture et les collectionneurs  de tous les pays voudront se le partager. Avant d'être mise en vente, la caverne d'Ali Baba a été fouillée et analysée par les meilleurs experts.
    Les tableaux modernes ont été étudiés par Marcel Fleiss. Un musée en soi, riche de peintures du douanier Rousseau à Miro, via Clovis Trouille et Magritte, Dominguez et Picabia. Œuvres de Duchamp, Lam, Man Ray etc
    Les photographies, analysées par David Fleiss, sont de Man Ray, Brassaï, Claude Cahun, Denise Bellon, Alvarez Bravo…
Les livres et manuscrits expertisés par Claude Oterelo, recèlent des œuvres dédicacées  par Guillaume Apollinaire, Sigmund Freud, Léon Trotski, Henri Michaux, Dali, Crevel, Tzara…Mais aussi des roman noirs ou romantiques….Et des ouvrages concernant les sciences occultes,  la philosophie, la psychanalyse, les jeux, l’art populaire, les mouvements sociaux du XIXème siècle (Charles Fourier, Karl Marx), l’ethnologie et l’ethnographie.
    Les oeuvres d'art primitif étudiées par Alain de Monbrison et Pierre Amrouche représentent plus de 150 objets amérindiens et océaniens, parures  et casse-tête kanaks, masques papous ou esquimaux, poupées hopis.
Les œuvres d'art populaire, répertoriées par Henri-Claude Randier, comptent des collections  de cannes, de bénitiers, de moules à hosties et à oublies, de pièces de kilims, de fossiles d'oursins, de médailles kabbalistiques, de papillons, de galets et bois anthropomorphes…
    Au total, plus de 5000 lots seront dispersés pour un total qui devrait se monter à plusieurs dizaines de milliers d'euros. Dispersés à jamais?  Pas tout à fait. Les organisateurs de la vente ont pensé à tous ceux qui n'auront pas la possibilité  d'enchérir. "Tout ce que contient la rue Fontaine sera porté  sur un cédérom et une base de données: tableaux, objets, photos, manuscrits, livres. Tout : le subalterne comme l’important, l’historique comme le quotidien, le privé aussi bien que le public, sera mis sous forme numérisée, à disposition des chercheurs, des étudiants, des passionnés et des curieux du surréalisme, en France et partout dans le monde. Au jour de la vente, la base de travail sera portée sur internet.." assurent Jean-Michel Ollé et Jean-Pierre Sakoun, les responsables du projet.

Publié dans Le Figaro, 2003





02/10/2009
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