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Les arts d’Asie sont partout ( 2003 )


                Les arts d’Asie sont partout

Les sublimes peintures de Zao Wou-Ki au Jeu de Paume ; l’exposition de  photos Made by Chinese à la Galerie Enrico Navarra, avenue Matignon ; les plasticiens  de Made in China à la Fondation d’Art Contemporain Daniel et Florence Guerlain aux Mesnuls ; le peintre Xiao Guo Hui à la Bibliothèque MK2, avenue de France, à Paris…La liste peut se poursuivre. En cet automne  2003,  débute la saison culturelle de l’année de la Chine en France dont le programme se déroule jusqu’en juillet 2004. Autour de l’Extrême-Orient de très nombreuses manifestations sont organisées, le plus souvent autour d’un art contemporain bien éveillé. Mais les professionnels  français des Arts Asiatiques, arts millénaires, sont sur le pied de guerre depuis des années et déploient toutes leurs stratégies pour faire apprécier au public des amateurs et des collectionneurs  les trésors qui animent leur propre passion. En 1998, sous l’impulsion de quelques  marchands compétents, dynamiques,  Christian Deydier, Jacques Barrère, Bertrand de Lavergne, Antoine Lebel, Laurent Colson, l’Automne Asiatique à Paris avait déjà initié un parcours de galerie en galerie, qui faisait découvrir et aimer des richesses  inouïes. Pour la 5 ème année l’opération est renouvelée avec bonheur. Et les amateurs affluent.
Évoquer les arts de l'Asie c'est arpenter en pensée et à travers des objets qui en proviennent, un immense continent foisonnant de diversité.  C'est aller de la Chine à la Corée, de l'Inde au Japon, de la Thaïlande, (l'ancien Siam) au Vietnam, au Cambodge, au Tibet, à l’Indonésie, à la Mongolie… Voyageons donc. Et tout d’abord à Paris, d’une rive à l’autre de la Seine…

            
L’invitation au voyage

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Rive gauche, Jacques Barrère, grand pourvoyeur, avec son fils Antoine,  des musées et des fondations du monde entier (Guimet, Cernuschi, Vienne , Ontario, Singapour, Taipei, Shanghaï, Japon…) présente, dans sa galerie de la rue Mazarine, un exceptionnel ensemble de sculptures bouddhiques chinoises. La pièce la plus extraordinaire, sortie de collections privées anciennes,  est un Bodhissattva provenant des grottes de Lungmen, un site désormais classé au répertoire mondial de l’Unesco. Cette statue de la dynastie Sui (581-618 après Jésus-Christ), haute de 64 cm. représentant  Boddhisatva, debout dans l’attitude du triple déhanchement, est en calcaire noir avec des traces de polychromie. La divinité porte d’amples draperies attachées autour du cou ; le buste, laissé nu, est orné d’un long collier de perles à deux rangs. Le visage concentre les signes traditionnels : paupières mi-closes, oreilles allongées, sourire discret Sa valeur : 500 000 euros.
Éminent sinologue, donateur des grands musées (Guimet, Cernuschi, Jérusalem, Xi’an…), né au Laos, couvert de diplômes, Christian Deydier, dont la galerie Oriental Bronzes Ltd, rue du Bac, est une succursale de celle qu’il a ouverte à Londres voilà 16 ans, montre une incroyable boîte à peignes en bois recouverte d’une épaisse feuille d’or et ornée d’animaux, oiseaux, fleurs et feuillages... Cette boîte de la dynastie Liao (X ème siècle ) contient deux petits peignes en bois avec une poignée et un pourtour en or. Son prix : 60 000 euros.
Agnès Deydier, dans sa toute nouvelle galerie Banpo, rue des Saints-Pères,  montre une statuette en ivoire représentant une « femme médecin », allongée, nue à l’exception de petits chaussons, un bras replié sous la nuque, les yeux pudiquement baissés. Cet objet chinois de la dynastie Ming, (XVII ème siècle), était utilisée par les femmes de la haute société chinoise qui, à travers les rideaux tirés de leur lit, indiquaient au médecin sur la statuette le siège de leurs maux. Prix : 11 000 euros.
En bois, en papier, en laque, en bronze, c’est tout un bestiaire japonais du XVIII ème au début du XX ème siècle que met en scène, rue de Beaune, la galerie Captier. Tigre, singe, chat, coq, poule, cerf, carpe, aigle, coccinelle, luciole, cigale, crapaud, dragon… Ces animaux familiers ou légendaires  sont au cœur du travail des artistes japonais qui se réfèrent souvent au Zodiaque et à sa symbolique. Ils rendent compte dans leur diversité d’un savoir faire et d’une maîtrise extraordinaires. Une encre de Chine et couleurs sur papier provenant de Corée, XVIII ème siècle, « Tigre sous les pins », est affichée à 10 000 euros.
Pour Antoine Lebel, dans sa galerie de la rue de Beaune, la Compagnie des Indes est le sujet de multiples récits et anecdotes. C’est aussi l’objet d’une inépuisable  collection. Ces porcelaines, services, vases, pièces décoratives dont le commerce s’imposa entre l’Asie et l’Europe ont quelque chose de fascinant. Il a choisi de mettre en évidence, au milieu de toutes ses autres emplettes et propositions, un martin-pêcheur, peint dans les émaux de la famille rose, daté de 1760 et proposé à 9 500 euros..
Spécialiste des Antiquités chinoises  et japonaises  du XIV au XIX ème siècle, Valérie Levesque a réuni, rue des Saints-Pères, une multitude d’objets  fabriqués en Asie au temps des routes de la soie et des marchands nomades : vase de céladon, bol précieux, coupe en jade blanc, éventail avec peintures…Et notamment un remarquable  pot-pourri en jade néphrite couleur céladon clair sur son socle en bois de zitan. Ce pot-pourri,  Dynastie Qing, époque de l’empereur Qianlong (1736-1795), est décoré de pivoines sculptées sur les quatre faces et ajourées sur le couvercle. La décoration du socle est assortie. Le prix : 13 000 euros.
Laurent Colson, quai Malaquais,  à la galerie Luohan, (transcription du prénom Laurent et appellation de « saints » bouddhiques ) a pour spécialité le mobilier et l’art de vivre des lettrés chinois de la dynastie des Ming à celle des Qing. Parmi une foule d’objets de grande qualité regroupés autour du thème de la longévité figure une boîte à friandises, en laque et vannerie, de 26,7 cm. de diamètre, d’époque Ming, marqué Jiajing, (1522-1566 ) au cœur du sujet. Le décor du couvercle illustre les huit immortels de la Tradition se divertissant dans le paradis du mont Kunlun. Dans le ciel, la déesse Xiwangmu chevauche un dragon et une grue porte le dieu de la longévité, Shoulao. Valeur : 20 000 euros.
Des étoffes et des costumes précieux du XI ème au XVIII ème siècle, plus précisément  les soieries pour trônes et autels ont été rassemblés par Myrna Myers, rue de Beaune. Il s’agit d’une somptueuse collection de soieries des vêtements de la Cour impériale, de cadeaux diplomatiques, de soieries de cérémonies religieuses.  A examiner de près : une robe de cour destinée à l’ Empereur de Chine, époque Qianlong, XVIII ème siècle, dont la décoration incorpore les douze symboles de l’autorité impériale.


                L’année de la Chèvre

Rive droite, au Louvre des Antiquaires, Bertrand de Lavergne, spécialiste de la porcelaine d’Extrême-Orient, passionné par les tabatières en verre, jade, agate, ivoire, ambre ou laque, qu’il collectionne, met en valeur une statuette chinoise de la dynastie Qing,  d’époque Kanghi (1662-1722), en biscuit émaillé, représentant un cerf couché sur une base rocailleuse. Provenant de la collection du Baron Fould-Springer, l’objet, étonnant, vaut 20 000 euros.
Dans le même périmètre du Louvre des Antiquaires, la galerie Slim Bouchoucha a choisi de montrer des sculptures érodées par les vents, les pluies et autres intempéries. Ces Gardiens du Temps portent en eux , gravés dans le bois, les marques de la durée. Un Bouddha Chan de Birmanie du XVIII ème siècle, en bois de tek avec traces de laque, haut de 77 cm. est proposé à 6 000 euros.
Spécialisé en porcelaines de la Compagnie des Indes, de Chine (depuis les Ming (1368-1644) jusqu’au XVIII ème siècle) et du Japon (Imari et autres Kakiémon), ainsi que d’objets d’art, la galerie Théorème de Vincent L’Herrou, également au Louvre des Antiquaires, célèbre à sa manière l’année de la Chèvre. Il présente une jolie paire de statuettes de l’époque Qianlong (1736-1795) figurant ces deux capridés à grands yeux  en blanc rehaussé de bleu (5 000 euros)
La galerie au Vieux Chinois, rue d’Anjou, décline  la symbolique dans la gestuelle bouddhique. Une stèle votive bouddhique en grès émaillé jaune et vert, datée de 1550, 29 ème année de l’empereur de Chine Jia-Jing, dynastie Ming, est proposée à 10 000 euros. Bouddha est dans la position dite de « la prise de la terre à témoin ». La main gauche repose sur le genou, paume vers le haut. La droite, posée sur la jambe, pend jusqu’à affleurer le sol.
Le mobilier chinois en bois ou en laque se remarque par sa légèreté, son élégance, sa finesse, sa subtilité, l’équilibre de ses formes. Le nom poétique des essences  dans lequel il est fait ajoute à son attrait : jichimu, bois dont le veinage évoque le plumage des ailes de poule ; huanghuaï, fleur jaune de poirier ; zitan, santal pourpre…Hervé du Peuty et Mike Winter-Rousset, dans leur vaste galerie de la Compagnie de la Chine et des Indes, avenue de Friedland, ont choisi de marier des mobiliers anciens de grande classe aux œuvres d’un artiste chinois né en 1943, Zhang Dawo. Une paire de fauteuils en bonnet de lettrés du sud, en zitan, d’époque Ming, début du XVII ème siècle coûte 120 000 euros.
Fondée en 1926, dans sa maison en forme de pagode chinoise à plafonds à caissons  et son ensemble de boiseries en laque des XVII et XVIII ème siècle, la galerie C.T.Loo & Cie, rue de Courcelles,  consacre son choix à l’art tibétain et à un ensemble de mobiliers himalayens.  Tel un autel en bois tibétain du XVIII ème siècle, polychrome, peint sur fond rouge,  destiné à recevoir dans ses niches polylobées des statuettes.de divinités et dans les casiers latéraux des livres de prière (8 000 euros).
Estampes, bronzes, céramiques constituent le fonds de la galerie Tanakaya ouverte, rue Saint-Sulpice, en 1988 par Tamio Ikeda. Il présente, de 1 000 à 5 000 euros,  une luxueuse collection de surimonos, édités entre 1790 et 1830 au Japon. Ces planches, représentant des sujets féminins, des acteurs, des personnages  de légende, des animaux ou des natures mortes, tirées à un très petit nombre d’exemplaires, étaient destinées à être offertes à l’occasion de fêtes, d’hommages ou de félicitations.
            
Ventes publiques

L’art d’Extrême-Orient est aussi très souvent présent et apprécié dans les ventes publiques, comme en témoigne la Gazette de l’Hôtel Drouot : une dizaine de pages  référencées dans chaque numéro de l’hebdomadaire, des ventes annoncées, présentées,  analysées. Les plus grandes maisons font de cette section géographico- historique un programme de choix.  De PIASA à Pierre Bergé, de Beaussant-Lefèvre à Oger&Dumont…
L’an dernier, la première vente d’art asiatique de Christie’s-France, avenue Matignon, totalisait 2 624 653 euros pour 213 vendus sur 356 présentés. A des niveaux parfois surprenants. Sur une estimation haute de 80 000 euros, un fragment provenant des grottes de Longmen, « Mains d’un disciple de Bouddha », chinois, dynastie Tang (VII ème siècle) obtenait ainsi 305 250 euros. Une coupe en jade blanc d’époque Qianlong (1736-1795) incisée d’un joli décor obtenait 24 000 euros sur une estimation quatre fois inférieure. Chez Cornette de Saint-Cyr, le 25 avril 2003, à l’Hôtel Drouot, un Bouddha tibétain du XIV ème siècle, assis en vajrasana sur un socle en forme de lotus, atteignait 13 000 euros.
Les résultats parfois explosent. Chez Sotheby’s, à Hong-Kong, le 26 octobre, une rarissime petite coupe chinoise  de l’époque de Qianlong a été adjugée 3,7 millions de dollars.
Chez Tajan, les 25 et 26 novembre, à l’Hôtel Drouot, (1368-1644), une coupe ronde d’époque Ming en porcelaine blanche décorée de fleurs à l’intérieur est proposée entre 10 et 12 000 euros. Un important brûle-parfum quadrangulaire à quatre pieds en bronze et émaux cloisonnés à fond bleu, décor polychrome, ajouré de dragons stylisés et phénix, haut de 100 cm., d’époque Qianlong (XVIII ème siècle ) est présenté entre 12 et 15 000 euros. Une petite statuette en stéatite céladon de Iohan assis,  robe monastique gravée et dorée, avec dessins de vagues stylisées, est estimée de 1 200 à 1 500 euros. De nombreux autres objets, vases, coupes, brûle-parfum, statuettes, flacons et des estampes japonaises  rares (Hiroshige, Ito Shinsui, Kitagawa Utamaro, Sharaku, Hosoda Eiri…) sont aussi offertes aux enchères.  


Publié par Le Figaro  ( 2003 )


02/10/2009
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