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« Métamorphoses de Matisse » de Karin Müller

 

 

Matisse, folie de couleurs ! Matisse, liberté du trait ! Matisse, génie de la peinture française ! Oui, bien sûr… Henri Matisse, né le 31 décembre 1869 au Cateau-Cambrésis, dans les brumes du département du Nord est sans aucun doute l’un des plus peintres les plus solaires de l’histoire de l’art… Il le demeure aujourd’hui à travers les musées du monde entier, à travers les expositions dédiées à sa gloire. Ou bien, par exemple, dans  ses panneaux « La danse » qui, dès les années 1909-1910, signalaient au monde la créativité inouïe et l’originalité miraculeuse de ce fauve plus fauve que les « Fauves », de ce dessinateur plus vibrant que les artistes les plus vifs…

Et pourtant… De quelle grisaille avait dû s’extirper ce fils de grainetier, devenu péniblement clerc de notaire, pour s’affirmer peu à peu comme un artiste inimitable ! Combien d’oeuvres d’un académisme éprouvé a t-il dû copier, combien de maîtres a t-il dû subir : Bouguereau, l’académie Julian, Ferrier, Gustave Moreau (un magnifique toujours trop méconnu), Carrière… avant de parvenir à sa vérité. Combien de jugements désagréables ou négatifs, de critiques obtuses,  a t-il dû affronter ! Il lui a fallu, pour émerger et s’épanouir, entendre avec le peintre Simon Bussy, un ami, (trop oublié de nos jours malgré une forte cote, vérifiée sur Artprice) Pissarro qui lui assène : « Travaillez et n’écoutez personne ! » Et suivre aussi le conseil – toujours valable - de Gustave Flaubert : « Si on a une originalité, il faut avant tout la dégager. Si on n’en a pas, il faut en acquérir une »… Sans oublier les douloureux problèmes d’argent, les difficultés financières, la pauvreté et même la misère que Matisse dut traverser avant de trouver un marchand, puis un autre, puis des collectionneurs – le Russe Chtchoukine ou les Américains Stein par exemple- qui lui assurent au bout du compte, mais très tard, et lentement des satisfactions puis le bien-être  matériels. Quelle vie ! Ne parlons pas de ses intermittences sentimentales, elle figurent aussi bien dans le livre que Karin Müller vient de publier aux éditions Guéna-Barley : « Métamorphoses de Matisse ».

 

Karin Müller, auteur déjà de livres très passionnants et remarqués sur Nicolas de Staël et Edward Hopper, possède un véritable talent pour faire revivre des artistes disparus au moyen d’autobiographies recomposées. Ses livres ne dépassent pas les 150 pages et se dévorent comme des viennoiseries. Mais ils savent dérouler avec brio les fils d’une existence dans laquelle la vie et l’art se mêlent. L’art de Karin Müller est de dénicher dans des biographies pesantes et exhaustives les moments qui comptent et qui font sens, qui illustrent et qui expliquent. Un exemple : Matisse, perclus de dettes, n’hésite pas un beau jour de 1898, à acheter pour l’offrir à sa jeune épouse et modèle Amelie, un papillon épinglé dont la couleur bleue lui rappelle « la flamme soufrée du volcan de son théâtre d’enfants » et qui lui coûte 50 francs. Cinquante francs-or, le prix, grosso modo, d’un de ses tableaux à l’époque. Karin Müller sait varier ses modules. Une année entière peut ainsi, tenir en deux, trois phrases. Une visite chez un confrère peintre, Derain, Marquet, Signac, Camoin peut donner lieu à des considérations fouillées... Cette façon d’écrire, avec ses variations, ses modulations sans à-coups, me fait penser à ce qui dans le règne de la musique serait un concerto. Matisse mis en musique ? Pourquoi pas. En compositeur et chef d’orchestre magistral Karin Müller, avec son livre Allegro-Vivace ne peut s’attirer que les « Bravissimo »…

 

Jacques Bouzerand



16/05/2013
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