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TUNGA : De l’autre côté du miroir


 

 

 

      Passer de l'autre côté du miroir... Pas tellement pour voir ce qu'il y a, mais pour percevoir  le chemin dans le détail et analyser l'épreuve du Passage. Pour goûter comme un vin précieux et tout en subtilités les phases de cette initiation. Voilà ce que Tunga propose dans les deux galeries de Marussa Gravagnuolo et Christine Lahoud, « Pièce Unique » et « Pièce Unique Variations », à Saint-Germain-des-Près.

 

      Tunga ( c'est le nom qu'avant même sa naissance, son frère, son  aîné d'un an,  avait donné à Antonio José de Barros Carvalho e Mello Mourào ) est un des artistes contemporains brésiliens les plus célébrés internationalement. Il est né en 1952 à Palmares, dans l'état de Pernambouc, il a fait ses études d'architecte puis s'est lancé dans la sculpture -installation. Basé à Rio de Janeiro, mais en perpétuel mouvement d'un continent à l'autre, il a montré ses œuvres dans les espaces les plus prestigieux : au Musée du Louvre, à la Documenta X, à la Galerie Nationale du Jeu de Paume, à la Fondation Cartier, à la Biennale de Lyon…Chacune de ses œuvres est le moment d'un discours global et en évolution qu'il tient sur le sens de l'art et son impact philosophique. À la Dokumenta X de Kassel l'œuvre qu'il montrait était décrite par lui comme « une sorte d'oracle, le retour à la divination, au sacré dans l'art ».

 

      Le sacré, le mystère, les forces cachées imprègnent la pensée de ce lecteur de littérature, de livres de sciences d'hier et d'aujourd'hui, de philosophie, de théâtre, de psychanalyse… Sa référence à l'alchimie est évidente dans les œuvres qu'il présente à la galerie Pièce Unique sous le titre «  Vers la voie humide ». Ces œuvres sont de trois natures mais liées entre elles par leur signification . Dans une installation à double portique de métal, Tunga a placé dans une des ouvertures un énorme cristal de roche rosé suspendu à mi-hauteur par des filins d'acier. Est-ce, aussi, un phallus? Principe masculin. Ce cristal – composé lui même comme tous le cristaux de myriades de cristaux de plus en plus minuscules jusqu'à l'infini selon la chimie la plus classique - agit comme un aimant qui attire la vue et l'esprit vers sa composition intime et comme un diffracteur d'énergies : quels cristaux (extérieurs à lui ) va absorber en un cristal encore plus volumineux ce cristal suspendu ? Le mouvement peut aller dans les deux sens  vers l'un ou l'autre de ces deux infinis que pressentait Pascal. 



 

      Dans la seconde ouverture du double portique, Tunga a coincé  au centre d'une corolle dense de magnétites à reflets argentés qui la maintiennent en vue et en équilibre, une fiole en cristal, semblable  aux cornues des alchimistes. Est-ce, aussi, une Matrice ? Principe féminin. La fiole est vide. C'est ce que l'on peut croire. Mais dans la réalité, elle est traversée par les flux magnétiques antagonistes des aimants autour d'elles qui l'emplissent d'une plénitude non visible mais puissante. Tout ce que l'on voit à travers le cristal de cette fiole, de l'autre côté, est filtré, nourri par cette intense magnétisation. C'est là, dans cet espace central, que s'opère la transmutation.

 


      De là on passe au deuxième type d'œuvres présentées. Il s'agit des miroirs. Il captent et renvoient les images qui se matérialisent les unes après les autres lorsqu'on fait l'effort de progresser dans la connaissance. Couches superposées du miroir, du dessin, de résines diaphanes et légèrement colorées… chacune portant son sens, son niveau dans la quête philosophale.  Chaque couche conserve  sa propriété mais se marie aux  autres en une formulation esthétique et signifiante . «  Si on met une couche, de farine, une couche de sucre, une couche de beurre… dans la vie, ça ne fait pas un gâteau. Dans l'art si… »



 

      Le troisième type d'œuvre est celui des dessins, des « phanographies ». Sur de grands papiers pour l'aquarelle, faits à la main et bruts,  sont tracés au pastel sec des scènes que l'on pourrait prendre pour des scènes érotiques où s'enchevêtrent des corps, mais qui sont plutôt des cérémonies orgiaques, c'est à dire sacrées. Elles mêmes traduisent la fluidité et le passage des êtres et la permanence à travers leur fusion. L'espèce liquide. Mais plus encore, ces dessins sont à lire en plusieurs dimensions, se jouant des échelles. Ici apparaît un visage, là où l'on ne voyait que des jambes ou des bras. Et cela dans une ronde de sensations qui se traduit en une sorte de vertige où tout finit par se relier. Du tracé de pastel constitué lui même de minusculissimes cristaux, aux miroirs et au portique tout se tient, tout se combine en une parabole, en une vision de la condition humaine. C'est très beau et cela donne du grain à moudre. Que demander de plus à l'art ?

 

JB

 

 

 

 

TUNGA ILLUSTRATION
"Vers la Voie Humide", 2010
Quartz, aimants, acier, carafe en verre
cm 190 x 140 x 100
croix; cm 130 x 80
hauteur totale: cm 310
 

 
"Desenho Protuberante" 2, 2010
Aquarelle sur papier, acier, pierre, résine epoxy
cm 75 x 59 x 8




TUN 009
Desenho Erotico 1, 2010
drawing on paper Pastel Larroque Aquarelle
cm 112 x 74
framed: cm 116 x 78



04/10/2010
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