Bibliophilie: les richesses du XXème siècle (2004)
Bibliophilie: les richesses du XXème siècle (2004 )
Il ne faudrait pas voir dans la bibliophilie une sorte d’archéologie du livre. Si l’on a collectionné les livres dès leur apparition, c’est à dire dès le XV ème siècle, si des ventes publiques ont été organisées dès le XVIIème siècle, le marché du « livre ancien » concerne aussi des ouvrages relativement récents ou contemporains. Le XXème siècle en a été prodigue. Certains volumes sortis des presses après 1900 figurent aux plus belles places du palmarès des grandes ventes et des grands prix . Ne prenons pour mémoire ( voir les éloquents compte-rendus publiés par Le Figaro lors des vacations ) que l’exemplaire de La science des rêves de Sigmund Freud, estimé 7 500 euros, ayant appartenu à André Breton : il a été adjugé 56 000 euros par l’étude CalmelsCohen le 11 avril à Drouot ; ou bien, lors de la même vente, la collection brochée de la revue Le surréalisme au service de la révolution, avec des textes d’Eluard, Crevel, Dali, Breton et d’autres, adjugée 184 265 euros et immédiatement préemptée par la Bibliothèque Nationale. Tandis que La femme visible de Salvador Dali, un in 4° de 1930, atteignait 120 146 euros.
Phare du XXème siècle
Jean-Claude Vrain, un libraire parisien renommé, spécialisé dans le livre de collection, fut dans la salle de l’Hôtel Drouot la grande vedette de cette vente Breton. Pour largement plus d’un million d’euros il a acquis quelque 300 lots, soit pour des commanditaires, soit à son propre compte de marchand. Ces livres là, on les retrouvera dans son magasin de la rue Saint-Sulpice ou sur son stand à la Foire Internationale du Livre ancien qui se tient à la Maison de la Mutualité à Paris du 22 au 25 mai (1). Y figureront le Freud, des livres de Crevel, Bataille, Perret, Artaud etc. Tous issus de la vente Breton. « Cette dispersion sera sans doute une des plus belles ventes qu’il me sera donné de vivre. D’abord parce que c’était celle de la bibliothèque d’un des phares du XXème siècle et aussi parce qu’elle présentait les livres qui avaient constitué son environnement intellectuel. Pas toujours ce qu’on appelle les beaux livres, grands papiers, éditions originales et tout ce qui s’en rapproche. Mais des livres qui ont compté pour lui et avec lesquels il a vécu et pensé. Une vente extraordinaire. Et il est heureux qu’elle ait eu lieu. Elle a permis de parler de Breton, de redécouvrir son rôle dans l’histoire des idées et dans l’Histoire tout court . Que se serait-il passé si cette collection était entrée d’un bloc dans les collections publiques ? Aurait-on autant remis en scène Breton ? Il faut que les livres circulent. Les institutions n’ont pas les moyens de gérer, de faire vivre tous les trésors qu’elles possèdent. Les collectionneurs sont des relais, des passerelles. En outre ils font travailler les relieurs, les doreurs, ces grands alliés du livre, ces grands amis du bibliophile. »
Pour Jean-Claude Vrain, il serait important que les intellectuels reconnus, les écrivains vivants aient envie de venir, via leurs manuscrits ou leurs bibliothèques, à la rencontre des collectionneurs privés. « Voyez le manuscrit de son livre Les derniers jours de Baudelaire que Bernard-Henri Lévy avait offert pour la vente organisée par Artcurial-Briest-Le Fur-Poulain au profit de l’écrivain Guyotat en décembre 2002. Il a atteint 12 000 euros alors qu’il était estimé 10 fois moins. On rêve de voir passer en vente des manuscrits, des livres des bibliothèques de Claude Simon, Le Clezio, Alain Robbe-Grillet, Julien Gracq et j’en passe. J’achèterais volontiers des manuscrits de Michel Houellebecq... »
Pour autant Jean-Claude Vrain compte déjà bien des richesses à son ( somptueux) catalogue. Comme L’expérience intérieure de Georges Bataille, en édition originale Gallimard de 1943, sur vergé d’Arches, relié par Jean de Gonet en 1994 à 14 500 euros ; ou Foirades de Samuel Beckett, première édition illustrée de 1976 comportant 33 gravures originales sur cuivre de Jasper Johns pour 33 000 euros . Et encore La prose du transsibérien de Blaise Cendrars, édité en 1913 et illustré en couleurs simultanées par Sonia Delaunay. Prix : 78 000 euros.
Bécassine mobilisée
L’avantage avec les livres, c’est qu’il en est de toute sorte et qui peuvent intéresser chacun quel que soit son âge, ses goûts, ses passions et ses moyens. Installée depuis 150 ans au 178, rue du Faubourg Saint-Honoré, non loin de l’Elysée, la librairie Chrétien propose un choix particulièrement plaisant des livres qui ont fait la joie des petits et des grands depuis le début du siècle passé. Voilà Bécassine mobilisée, de Caumery et Pichon, une réédition Gautier-Languereau de 1930. L’héroïne est apparue pour la première fois en 1905 dans La semaine de Suzette. Le volume est vendu 140 euros. Voilà La vie et les aventures de Chanteclerc, de 1909 aux éditions Tallandier. Un ouvrage mythique de Benjamin Rabier cédé pour 170 euros. Ou encore Bourses de voyage de Jules Verne, édité par Hetzel en 1903, proposé pour 690 euros. C’était le coin des enfants.
Mais Jean Izarn, qui dirige aujourd’hui à la sixième génération la librairie Chrétien, étend ses choix à des domaines bien différents. Chasse, du duc de Brissac, un in 4° illustré par Paul Jouve et édité ( à 70 exemplaires) aux dépens de l’artiste en 1956 présente les différents types de chasse et de gibiers à travers 17 lithographies originales. L’exemplaire d’artiste enrichi de 14 dessins préparatoires est cédé pour 7950 euros. Une plaquette à la gloire de Nijinsky illustrée de dessins de Paul Iribe sur des vers de Jean Cocteau, un des 934 exemplaires sur Japon, est vendue 610 euros. De là à la mode, il n’y a qu’un pas. Franchissons le. Tout un catalogue lui est consacré. Plein de nostalgie. Petites perles : l’Almanach à la reine d’Angleterre de Neubauer-Fourrures (1921) 157 pages de créations de cette maison qui date de 1780. Le tout pour 121 euros. La revue L’homme élégant, de Géo Harrison, 4 numéros in 4° sous couverture reliée our 762,25 euros. Ou encore la revue Feuillets d’art de Lucien Vogel dans son intégralité, mai 1919-septembre 1922, avec des dessins de Dufy, Lepape, Foujita, Delaunay, Bakst…pour 2950 euros.
Les libraires spécialisés sont bien entendu les premiers interlocuteurs de l’amateur de livres de collection. Mais il est aussi d’autres sources qui ne peuvent pas être négligées. Il s’agit en tout premier lieu des ventes publiques répertoriées par la Gazette de l’Hôtel Drouot à Paris ou dans les régions. Ainsi a-t-on vu passer le 15 février 2003 à l’étude Beaussant Lefevre (expert Alain Nicolas) l’édition originale de A la recherche du temps perdu de Marcel Proust, treize volumes, 1918-1923, sous une reliure par Madeleine Legras. Estimé 12 à 15 000 euros, le lot a obtenu 40 000 euros. Et chez Piasa, à l’Hôtel Drouot, le 12 mars 2003, Les Histoires extraordinaires d’Edgar Poë dans la traduction de Charles Baudelaire, une édition de 1916 in 8 ° ornée de 22 dessins de Bernard Naudin et de 33 aquarelles der Claude Lévy, adjugée 1900 euros. Mais il faut fouiner aussi dans les boites de bouquinistes des Quais de la Seine à Paris, du Marché Georges Brassens dans le XV ème arrondissement et dans les brocantes et autres vide-greniers qui éclosent au printemps, où les surprises sont parfois extraordinaires. Tel un exemplaire de presse signé par l’auteur des Nouvelles nourritures terrestres d’André Gide acheté récemment 15 centimes d’euro au déballage, par un amateur ébloui qui n’en espérait pas tant.
L’important, comme le conseillent les professionnels, est de ne jamais acquérir que des livres qui vous plaisent, même modestes. Rassurez vous, demain ils seront peut-être très recherchés. De préférer des ouvrages complets, dans lesquels il ne manque ni volume, ni feuillet, ni planche, car il y a peu d'espoir de réunir des volumes dépareillés. « L'état idéal d'un livre est celui qui est le plus proche possible de l'état originel. »
Se constituer une collection n’est pas une question d'argent. C’est une affaire de goût et de coup de cœur. Combien de livres à moins de 15 euros sont des merveilles. Sachant surtout que tous les domaines sont à explorer : livres populaires, livres réalisés par des artistes contemporains (souvent très abordables au moment de leur parution), romans policiers, bandes dessinées, livres pour enfants, ouvrages de poésie, livres de sciences, manuels scolaires. Ou tous ces livres sur le monde de l’art qu’au mois de mai pour la quinzième année les éditeurs ont décidé de promouvoir sous le sigle Le mai du Livre d’Art. Certains deviendront des raretés.
(1) 15ème Foire Internationale du Livre Ancien
Maison de la Mutualité - Paris (22-25 mai 2003)
Horaires :Les 23, 24 et 25 mai, de 11 h à 19 h.
La Foire Internationale du Livre Ancien est la seule Foire française du Livre Ancien de stature internationale. Y participent quelque 100 librairies dont 70 françaises, et 30 autres venant d’Allemagne, d’Argentine, de Belgique, d’Espagne, des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, d’Italie, des Pays-Bas, de Suède et de Suisse.
Encadré
Règles de savoir-vivre avec les livres
Le syndicat national de la librairie ancienne et moderne, présidé par Alain Marchiset, qui respecte et aime les livres comme chacun la prunelle de ses yeux, donne des conseils aux débutants et aux amateurs pour qu’ils prennent soin des livres qu’ils possèdent et les entretiennent au mieux. Voici quelques unes de ces règles de savoir-vivre avec les livres
Rangement. Il est préférable de ranger les livres par format, afin que les plus grands, en porte à faux, ne se déforment pas. Les livres doivent être suffisamment serrés sans l'être trop : on ne doit jamais forcer pour en extraire un.
Deux méthodes sont à retenir pour les saisir. Si l'espace est suffisant, le mieux est de passer la main derrière le volume et de le pousser vers soi. Sinon il convient de repousser les deux volumes encadrant celui que l’on veut consulter et de le saisir celui-ci entre le pouce et l'index. En attirant les deux volumes restant légèrement hors de l'alignement il sera ensuite facile de ranger les trois volumes à leur place sans aucune difficulté. Règle absolue : ne jamais tirer un volume par sa tête, c'est-à-dire par le haut du dos.
Livres, autographes, manuscrits, estampes sont des objets fragiles qu'il faut ménager et respecter. Attention à la température,à l'humidité et à la lumière.Les livres sont sensibles à ces trois éléments. Il faut se méfier d'une trop grosse chaleur, du soleil et surtout de l'humidité.
Entretien. Si les livres sont brochés, les recouvrir de papier cristal. Celui-ci absorbe les rayons du soleil qui jaunissent les couvertures.
S'ils sont reliés, et sauf pour les reliures en veau ou en basane, on peut, en prenant beaucoup de précautions, nettoyer le cuir avec une éponge humectée de savon glycériné ou de "Brecknell" (produit de sellerie). La passer délicatement sans altérer les dorures, puis rincer avec une éponge propre. Faire plusieurs passages entre des séchages de plusieurs heures. Enfin, lustrer avec un chiffon de laine. Il existe aussi, à la Bibliothèque Nationale de France, à Paris, des cires dans des teintes correspondant à celles des reliures. N'utiliser jamais les cirages réservés aux chaussures : ils font briller, mais ils "grillent" les cuirs. De toute façon, agir en douceur.
Pour dépoussiérer les livres, utiliser un chiffon, une brosse fine ou un petit aspirateur. On peut gommer les papiers, toutefois avec beaucoup de douceur (Mais il ne faut jamais gommer du papier japon, utiliser de la mie de pain).
Répertorier. Il est utile de rédiger une fiche par ouvrage, sur laquelle on inscrit sa description, son prix, le lieu de l’achat et toute autre information. L'ensemble sera classé par ordre alphabétique ou par genre. En progressant dans sa collection, on constate toujours que ces fiches seront beaucoup plus utiles qu’on ne la pense a priori.
Publié par Le Figaro ( 2004 )
Il ne faudrait pas voir dans la bibliophilie une sorte d’archéologie du livre. Si l’on a collectionné les livres dès leur apparition, c’est à dire dès le XV ème siècle, si des ventes publiques ont été organisées dès le XVIIème siècle, le marché du « livre ancien » concerne aussi des ouvrages relativement récents ou contemporains. Le XXème siècle en a été prodigue. Certains volumes sortis des presses après 1900 figurent aux plus belles places du palmarès des grandes ventes et des grands prix . Ne prenons pour mémoire ( voir les éloquents compte-rendus publiés par Le Figaro lors des vacations ) que l’exemplaire de La science des rêves de Sigmund Freud, estimé 7 500 euros, ayant appartenu à André Breton : il a été adjugé 56 000 euros par l’étude CalmelsCohen le 11 avril à Drouot ; ou bien, lors de la même vente, la collection brochée de la revue Le surréalisme au service de la révolution, avec des textes d’Eluard, Crevel, Dali, Breton et d’autres, adjugée 184 265 euros et immédiatement préemptée par la Bibliothèque Nationale. Tandis que La femme visible de Salvador Dali, un in 4° de 1930, atteignait 120 146 euros.
Phare du XXème siècle
Jean-Claude Vrain, un libraire parisien renommé, spécialisé dans le livre de collection, fut dans la salle de l’Hôtel Drouot la grande vedette de cette vente Breton. Pour largement plus d’un million d’euros il a acquis quelque 300 lots, soit pour des commanditaires, soit à son propre compte de marchand. Ces livres là, on les retrouvera dans son magasin de la rue Saint-Sulpice ou sur son stand à la Foire Internationale du Livre ancien qui se tient à la Maison de la Mutualité à Paris du 22 au 25 mai (1). Y figureront le Freud, des livres de Crevel, Bataille, Perret, Artaud etc. Tous issus de la vente Breton. « Cette dispersion sera sans doute une des plus belles ventes qu’il me sera donné de vivre. D’abord parce que c’était celle de la bibliothèque d’un des phares du XXème siècle et aussi parce qu’elle présentait les livres qui avaient constitué son environnement intellectuel. Pas toujours ce qu’on appelle les beaux livres, grands papiers, éditions originales et tout ce qui s’en rapproche. Mais des livres qui ont compté pour lui et avec lesquels il a vécu et pensé. Une vente extraordinaire. Et il est heureux qu’elle ait eu lieu. Elle a permis de parler de Breton, de redécouvrir son rôle dans l’histoire des idées et dans l’Histoire tout court . Que se serait-il passé si cette collection était entrée d’un bloc dans les collections publiques ? Aurait-on autant remis en scène Breton ? Il faut que les livres circulent. Les institutions n’ont pas les moyens de gérer, de faire vivre tous les trésors qu’elles possèdent. Les collectionneurs sont des relais, des passerelles. En outre ils font travailler les relieurs, les doreurs, ces grands alliés du livre, ces grands amis du bibliophile. »
Pour Jean-Claude Vrain, il serait important que les intellectuels reconnus, les écrivains vivants aient envie de venir, via leurs manuscrits ou leurs bibliothèques, à la rencontre des collectionneurs privés. « Voyez le manuscrit de son livre Les derniers jours de Baudelaire que Bernard-Henri Lévy avait offert pour la vente organisée par Artcurial-Briest-Le Fur-Poulain au profit de l’écrivain Guyotat en décembre 2002. Il a atteint 12 000 euros alors qu’il était estimé 10 fois moins. On rêve de voir passer en vente des manuscrits, des livres des bibliothèques de Claude Simon, Le Clezio, Alain Robbe-Grillet, Julien Gracq et j’en passe. J’achèterais volontiers des manuscrits de Michel Houellebecq... »
Pour autant Jean-Claude Vrain compte déjà bien des richesses à son ( somptueux) catalogue. Comme L’expérience intérieure de Georges Bataille, en édition originale Gallimard de 1943, sur vergé d’Arches, relié par Jean de Gonet en 1994 à 14 500 euros ; ou Foirades de Samuel Beckett, première édition illustrée de 1976 comportant 33 gravures originales sur cuivre de Jasper Johns pour 33 000 euros . Et encore La prose du transsibérien de Blaise Cendrars, édité en 1913 et illustré en couleurs simultanées par Sonia Delaunay. Prix : 78 000 euros.
Bécassine mobilisée
L’avantage avec les livres, c’est qu’il en est de toute sorte et qui peuvent intéresser chacun quel que soit son âge, ses goûts, ses passions et ses moyens. Installée depuis 150 ans au 178, rue du Faubourg Saint-Honoré, non loin de l’Elysée, la librairie Chrétien propose un choix particulièrement plaisant des livres qui ont fait la joie des petits et des grands depuis le début du siècle passé. Voilà Bécassine mobilisée, de Caumery et Pichon, une réédition Gautier-Languereau de 1930. L’héroïne est apparue pour la première fois en 1905 dans La semaine de Suzette. Le volume est vendu 140 euros. Voilà La vie et les aventures de Chanteclerc, de 1909 aux éditions Tallandier. Un ouvrage mythique de Benjamin Rabier cédé pour 170 euros. Ou encore Bourses de voyage de Jules Verne, édité par Hetzel en 1903, proposé pour 690 euros. C’était le coin des enfants.
Mais Jean Izarn, qui dirige aujourd’hui à la sixième génération la librairie Chrétien, étend ses choix à des domaines bien différents. Chasse, du duc de Brissac, un in 4° illustré par Paul Jouve et édité ( à 70 exemplaires) aux dépens de l’artiste en 1956 présente les différents types de chasse et de gibiers à travers 17 lithographies originales. L’exemplaire d’artiste enrichi de 14 dessins préparatoires est cédé pour 7950 euros. Une plaquette à la gloire de Nijinsky illustrée de dessins de Paul Iribe sur des vers de Jean Cocteau, un des 934 exemplaires sur Japon, est vendue 610 euros. De là à la mode, il n’y a qu’un pas. Franchissons le. Tout un catalogue lui est consacré. Plein de nostalgie. Petites perles : l’Almanach à la reine d’Angleterre de Neubauer-Fourrures (1921) 157 pages de créations de cette maison qui date de 1780. Le tout pour 121 euros. La revue L’homme élégant, de Géo Harrison, 4 numéros in 4° sous couverture reliée our 762,25 euros. Ou encore la revue Feuillets d’art de Lucien Vogel dans son intégralité, mai 1919-septembre 1922, avec des dessins de Dufy, Lepape, Foujita, Delaunay, Bakst…pour 2950 euros.
Les libraires spécialisés sont bien entendu les premiers interlocuteurs de l’amateur de livres de collection. Mais il est aussi d’autres sources qui ne peuvent pas être négligées. Il s’agit en tout premier lieu des ventes publiques répertoriées par la Gazette de l’Hôtel Drouot à Paris ou dans les régions. Ainsi a-t-on vu passer le 15 février 2003 à l’étude Beaussant Lefevre (expert Alain Nicolas) l’édition originale de A la recherche du temps perdu de Marcel Proust, treize volumes, 1918-1923, sous une reliure par Madeleine Legras. Estimé 12 à 15 000 euros, le lot a obtenu 40 000 euros. Et chez Piasa, à l’Hôtel Drouot, le 12 mars 2003, Les Histoires extraordinaires d’Edgar Poë dans la traduction de Charles Baudelaire, une édition de 1916 in 8 ° ornée de 22 dessins de Bernard Naudin et de 33 aquarelles der Claude Lévy, adjugée 1900 euros. Mais il faut fouiner aussi dans les boites de bouquinistes des Quais de la Seine à Paris, du Marché Georges Brassens dans le XV ème arrondissement et dans les brocantes et autres vide-greniers qui éclosent au printemps, où les surprises sont parfois extraordinaires. Tel un exemplaire de presse signé par l’auteur des Nouvelles nourritures terrestres d’André Gide acheté récemment 15 centimes d’euro au déballage, par un amateur ébloui qui n’en espérait pas tant.
L’important, comme le conseillent les professionnels, est de ne jamais acquérir que des livres qui vous plaisent, même modestes. Rassurez vous, demain ils seront peut-être très recherchés. De préférer des ouvrages complets, dans lesquels il ne manque ni volume, ni feuillet, ni planche, car il y a peu d'espoir de réunir des volumes dépareillés. « L'état idéal d'un livre est celui qui est le plus proche possible de l'état originel. »
Se constituer une collection n’est pas une question d'argent. C’est une affaire de goût et de coup de cœur. Combien de livres à moins de 15 euros sont des merveilles. Sachant surtout que tous les domaines sont à explorer : livres populaires, livres réalisés par des artistes contemporains (souvent très abordables au moment de leur parution), romans policiers, bandes dessinées, livres pour enfants, ouvrages de poésie, livres de sciences, manuels scolaires. Ou tous ces livres sur le monde de l’art qu’au mois de mai pour la quinzième année les éditeurs ont décidé de promouvoir sous le sigle Le mai du Livre d’Art. Certains deviendront des raretés.
(1) 15ème Foire Internationale du Livre Ancien
Maison de la Mutualité - Paris (22-25 mai 2003)
Horaires :Les 23, 24 et 25 mai, de 11 h à 19 h.
La Foire Internationale du Livre Ancien est la seule Foire française du Livre Ancien de stature internationale. Y participent quelque 100 librairies dont 70 françaises, et 30 autres venant d’Allemagne, d’Argentine, de Belgique, d’Espagne, des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, d’Italie, des Pays-Bas, de Suède et de Suisse.
Encadré
Règles de savoir-vivre avec les livres
Le syndicat national de la librairie ancienne et moderne, présidé par Alain Marchiset, qui respecte et aime les livres comme chacun la prunelle de ses yeux, donne des conseils aux débutants et aux amateurs pour qu’ils prennent soin des livres qu’ils possèdent et les entretiennent au mieux. Voici quelques unes de ces règles de savoir-vivre avec les livres
Rangement. Il est préférable de ranger les livres par format, afin que les plus grands, en porte à faux, ne se déforment pas. Les livres doivent être suffisamment serrés sans l'être trop : on ne doit jamais forcer pour en extraire un.
Deux méthodes sont à retenir pour les saisir. Si l'espace est suffisant, le mieux est de passer la main derrière le volume et de le pousser vers soi. Sinon il convient de repousser les deux volumes encadrant celui que l’on veut consulter et de le saisir celui-ci entre le pouce et l'index. En attirant les deux volumes restant légèrement hors de l'alignement il sera ensuite facile de ranger les trois volumes à leur place sans aucune difficulté. Règle absolue : ne jamais tirer un volume par sa tête, c'est-à-dire par le haut du dos.
Livres, autographes, manuscrits, estampes sont des objets fragiles qu'il faut ménager et respecter. Attention à la température,à l'humidité et à la lumière.Les livres sont sensibles à ces trois éléments. Il faut se méfier d'une trop grosse chaleur, du soleil et surtout de l'humidité.
Entretien. Si les livres sont brochés, les recouvrir de papier cristal. Celui-ci absorbe les rayons du soleil qui jaunissent les couvertures.
S'ils sont reliés, et sauf pour les reliures en veau ou en basane, on peut, en prenant beaucoup de précautions, nettoyer le cuir avec une éponge humectée de savon glycériné ou de "Brecknell" (produit de sellerie). La passer délicatement sans altérer les dorures, puis rincer avec une éponge propre. Faire plusieurs passages entre des séchages de plusieurs heures. Enfin, lustrer avec un chiffon de laine. Il existe aussi, à la Bibliothèque Nationale de France, à Paris, des cires dans des teintes correspondant à celles des reliures. N'utiliser jamais les cirages réservés aux chaussures : ils font briller, mais ils "grillent" les cuirs. De toute façon, agir en douceur.
Pour dépoussiérer les livres, utiliser un chiffon, une brosse fine ou un petit aspirateur. On peut gommer les papiers, toutefois avec beaucoup de douceur (Mais il ne faut jamais gommer du papier japon, utiliser de la mie de pain).
Répertorier. Il est utile de rédiger une fiche par ouvrage, sur laquelle on inscrit sa description, son prix, le lieu de l’achat et toute autre information. L'ensemble sera classé par ordre alphabétique ou par genre. En progressant dans sa collection, on constate toujours que ces fiches seront beaucoup plus utiles qu’on ne la pense a priori.
Publié par Le Figaro ( 2004 )
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