Édouard Manet : au coeur d'une création
« Le déjeuner sur l’herbe » est son beau scandale. En 1863, la France toute entière des gazettes, des salons et des cafés-concerts ne bruit que de ce tableau d’Édouard Manet heurtant de plein front la pudibonderie en vogue, côté Eugénie, à la cour de Napoléon III. Ce scandale et quelques autres, causés par certaines de ses toiles d’évidence moins provocatrice, sont sa chance. Ils déclenchent pour lui, tout comme son talent bien sûr, les sympathies successives et enthousiastes de Théophile Gautier, de Charles Baudelaire, d’Émile Zola, de Stéphane Mallarmé… Excusez du peu. Et aussi, bientôt, l’intérêt de ceux que les évolutions de l’Art titillent. Comme Paul Durand-Ruel, le grand marchand qui lui achète d’un coup pour cinquante mille francs-or de tableaux. Gloire et fortune. Hélas la maladie guette. Ombre au tableau…
L’aventure créatrice et exceptionnelle – fondatrice - de ce peintre est mise en exposition en toute majesté au Musée d’Orsay. Du 3 avril au 3 juillet 2011, sous le titre affiché : « Manet, inventeur du moderne », des foules compactes et concernées de visiteurs viendront communier dans cette cathédrale où l'on vénère l’art de nos arrière et arrière-arrière grand-parents. L’hommage pèsera sans doute autant que celui rendu voilà peu au presqu’homonyme et cadet de huit ans, puis ami en peinture, Monet, Monet Claude, parisien natif lui aussi mais vite adopté par la Normandie. L’Impressionniste majuscule. Une autre histoire…
Revenons à nos moutons, aux pinceaux et à l’univers trouble et puissant d’Édouard Manet. Comment ce rejeton d’une famille de la bourgeoisie parisienne, né à Saint-Germain-des-Près, rue Bonaparte près des Beaux-Arts, d’un père haut magistrat et d’une mère liée aux Bernadotte, est-il devenu l’une de figures centrales de l’art décapé de cette seconde moitié du XIXème siècle ? Le Musée d’Orsay, intelligemment, savamment, sensuellement, l’explique, le déploie en images, en images muettes et hautement parlantes, en chef-d’œuvres accrochés aux murs. C’est déjà beaucoup. Et rare, puisque la dernière grande rétrospective Manet, avait été organisée en 1983 par Françoise Cachin, récemment disparue.
Et c’est là qu’intervient la télévision avec un documentaire où elle joue à plein son rôle de passeur. Francetélévisions s’est associée à la création d’un beau film éclairant que France 5 diffuse le 21 avril ( dans l’excellente et agréable émission récurrente de Laurence Piquet : « Un soir au musée »). Ce film, « Édouard Manet, une inquiétante étrangeté » conçu par Hopi Lebel, avec « Les Films d’ici » et le Musée d’Orsay, revient sur le parcours de Manet en démarrant comme à rebours sur l’exposition de 1880 à la « Galerie de la Vie moderne », boulevard des Italiens. De Victorine Laurent, le modèle professionnel à Berthe Morisot, la collègue en peinture et modèle de cœur, de Maximilien fusillé à Lola de Valence et à Olympia alanguie, du Fifre aux familiers, Suzanne et Léon Leenhoff, et jusqu’au bar des Folies Bergères… le cheminement d’Édouard Manet est mis à nu par les meilleurs spécialistes du peintre, Stéphane Guégan, commissaire de l'exposition, Nancy Locke et Alain Corbin. De la très belle ouvrage audiovisuelle. Qui donne l’envie irrépressible d’aller, toute affaire cessante, au contact, au Musée d’Orsay. J.B.
Des livres:
* " MANET, INVENTEUR DU MODERNE ", Catalogue de l'exposition, sous la direction de Stéphane Guégan, musée d'Orsay / Gallimard.
* " LE DANGER MANET ", album de l'exposition. Stéphane Guégan, musée d'Orsay/ Gallimard.
* " MANET, L'HÉROÏSME DE LA VIE MODERNE " par Stéphane Guégan, hors série Découvertes, musée d'Orsay / Gallimard.
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