Jean-Claude Meynard et le mythe de Babel
Jean-Claude Meynard et le mythe de Babel
Chacun
se forge sa propre figuration de l’infini. Deux me viennent immédiatement à
l’esprit. La première est celle de cette pâtisserie de mon enfance cadurcienne
où des miroirs se faisant précisément face renvoyaient encore et encore
jusqu’au bout d’un tunnel de plus en plus long et sombre les lumières du lustre
qui surplombait des vitrines. L’autre est l’illustration imaginée par le génial
Benjamin Rabier, créateur de la célèbre et joyeuse « Vache qui
rit » : aux oreilles du ruminant enjoué pendent des boites rondes qui
présentent l’image de la vache
ayant elle même comme boucles d’oreille des boites portant l’image de la
vache qui elle même etc. etc.
Albert
Einstein, sans doute, avait d’autres inspirations… Jean-Claude Meynard aussi.
Cet artiste, né en 1951, travaille depuis les années 1980 sur la complexité
visualisée du réel, « l’expansion, la saturation, le chaos, les puzzles du
monde » et notamment sur le concept de la géométrie fractale théoriqée et
nommée par Benoît Mandelbrot, en 1974. Jean-Claude Meynard a même, au début des
années 80, lancé avec d’autres
artistes, Jean-Paul Agosti, Carlos Ginzburg… le groupe d’artistes
« Fractals » qui
a été accompagné par le critique et journaliste Henri-François Debailleux ou
l’écrivain Susan Condé.
La
géométrie fractale a pour principe de décrire et d’analyser des objets qui
possèdent ( selon l’article consacré de Wikipedia ) « des détails similaires à des
échelles arbitrairement petites ou grandes et trop irréguliers pour être
décrit efficacement en termes géométriques traditionnels ». Dans ces
objets, « le tout est semblable à une de ses parties ». On peut dans la nature observer des
objets correspondant à ces définitions : les nuages, les flocons de neige,
les montagnes, les réseaux de rivières, les alvéoles pulmonaires, les vaisseaux
sanguins ou même le chou-fleur et le brocoli…
Dans
le fractal mis à plat se trouve en réalité une de ces représentations
symboliques qui ont toujours fasciné l’humanité, coincée entre l’infiniment
grand des galaxies et l’infiniment petit de l’atome. Jean-Claude Meynard, dans
des séries, a exploré depuis des
années toutes les avenues de cette recherche d’un absolu artistique. Avec
« Babel », dans son exposition installée jusqu’au 30 janvier, chez
« Riff Art Projects », 48 rue Chapon dans le 3ème
arrondissement de Paris, revient sur le thème de la tour mythique de la Genèse
selon lequel l’humanité a voulu un jour défier Dieu. En empilant briques sur
briques, toujours plus pour monter toujours plus haut et pour tenter au bout du
compte de prendre le ciel à l’abordage,
les hommes ont irrité la puissance divine qui leur a fait perdre la
possibilité de communiquer entre eux. Dieu venait d’inventer les langues
vivantes ( et les semant à tous vents, ce grand Robert intransigeant, retenait
pour son propre et unique usage les dictionnaires.) Jean-Claude Meynard a
réinterprété le mythe et remplacé les briques par les homme eux-mêmes, devenant
chacun une de ces briques constitutives de la Tour du grand défi. Il a, pour
visualiser son projet, utilisé les procédés les plus divers, de la peinture à
la sérigraphie sur verre, métal, plexiglas… La galerie de Steven Riff, pour
l’occasion, est devenues elle-même un cube fractal dans lequel on pénètre et où
murs, sol et plafond répètent ad infinitum les images qui elle mêmes reprennent
les images…etc… Selon le principe de « La Vache qui rit ». Un effet
bœuf, si j’ose dire.
L’exposition
babélienne a déjà voyagé : à Shenzen en Chine ; à Hermione, en
Italie. Elle ira à Tamaris dans le Var en septembre 2010, puis à Istanbul en
Turquie (en décembre 2010).
JB
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