* La Miroiterie, ce Bateau-Lavoir du siècle...
La Miroiterie, ce Bateau-Lavoir du siècle.
Dans ce superbe dimanche d'été indien, cet après-midi à Paris, je suis allé, en haut de la rue de Ménilmontant, visiter "la Miroiterie", un frère ou une soeur, un cousin peut-être du célèbrissime « Bateau-Lavoir ». Le Bateau-Lavoir, c'était, dès avant les années 1900, un immeuble improbable où squattaient des artistes. Paul Gauguin y venait souvent. Picasso qui vécut là de 1904 à 1909 et y travailla jusqu'en 1912. Il y peignit « Les demoiselles d'Avignon ». Il y eut dans ces pauvres murs Modigliani, Kees van Dongen, Brancusi, le Douanier Rousseau, Juan Gris et aussi Matisse, Braque, Léger, Derain, Utrillo, Alfred Jarry… Au fil des ans tout ce que Paris comptait des lettres et des arts de Cocteau à Gertrude Stein, de Max Jacob à Maurice Denis y a vécu ou diné ou dormi ou créé ou aimé… L'immeuble, inscrit en 1965 à l'inventaire des Monuments Historiques, incendié en 1970 n'a conservé que sa façade, mais il a été reconstruit en 1978 et vingt-cinq ateliers y ont été installés.
Rue de Ménilmontant, « La Miroiterie » est une sorte de Bateau-Lavoir. Cette longue suite de petits bâtiments est l'un des ultimes témoins vibrants d'une architecture centenaire faite de bric et de broc. Mais habitée. Des miroitiers y ont travaillé, ce qui explique le nom du lieu. Depuis des décennies des ateliers y ont pris leur place et des artistes leurs aises. Willy Ronis y a photographié Jacques Prévert. Les occupants des lieux trouvent là dans un inconfort certain mais dans une chaleur de groupe les moyens de leur survie quotidienne et artistique. Citons les : Alexander Deanesi: peintre (Italie) ; Andy Bolus : musicien/plasticien ( Grande Bretagne ) ; Ramiro Malaghaès : plasticien inventeur d'instruments ( Brésil) ; Olivier Guesselé: plasticien ; Michel Ktu: peintre ; Bernard Morlon : peintre ; Frédéric Atlan: plasticien/musicien ; Renaud Revert: peintre ; Pierre-Yves Belfils : sculpteur ; Charlotte Poignard :peintre/illustratrice ; Anastasia Bolchakova : plasticienne ; Fabio Del Seppia : peintre ; Renaud Jougla : sculpteur ; Juan Carlos Gonzales : percussioniste ; Xavier Brault : peintre ; Fubuya : professeur de capoeira ; Benjamin Sanz : musicien et d'autres…
Ce week-end ces artistes ouvraient leur maison pour montrer leur travail dans le cadre d'une opération « Ateliers portes ouvertes » à Ménilmontant. Baroud d'honneur de « La Miroiterie »? Les voilà en effet menacés d'expulsion depuis qu'un marchand de biens a racheté les bâtiments. Les occupants sont assignés au Tribunal de Grande Instance de Paris mardi 29 septembre. La Justice devra se prononcer dans ce conflit d'intérêts. Mais les élus du XXème arrondissement ont déjà voté, à l'unanimité, le 21 septembre, une motion demandant qu'une solution soit trouvée pour préserver ce lieu symbole de l'art underground parisien. « Le XXème est un arrondissement particulièrement actif sur l'ensemble des questions culturelles, et en particulier des questions de squats et de lieux qui permettent une création artistique hors des canaux officiels » a exprimé l'élue Françoise Galland, rapporteur du texte lancé par les Verts mais rédigé à la fois par la majorité et l'opposition.
On comprend bien qu'un opérateur immobilier souhaite construire du neuf et du solide dans ce quartier autrefois populaire, devenu hyper-branché. Mais la société doit aux jeune artistes auxquels le marché de l'art n'a pas encore fait des ponts d'or la possibilité de vivre et de créer dans une ville qui tient de l'art une grande partie de son prestige international. L'art est le miroir de la société. Paris 1900 peut s'enorgueillir d'avoir accueilli les créateurs du Bateau-Lavoir, les Picasso, Matisse, Utrillo… Paris 2009, pour pouvoir se regarder en face, doit aider à trouver une solution imaginative pour les artistes de « La Miroiterie »
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