La peinture figurative a les joues roses (2004)
La peinture figurative a les joues roses... ( 2004 )
Pour une mal-aimée des critiques d'art et des institutions, elle se porte rudement bien la peinture figurative !!! Que ce soit dans les galeries ou dans les salles de vente, un public dense se presse avec assiduité pour acheter des tableaux d'artistes qui ont l'audace et la chance de plaire et de faire plaisir aux yeux de ceux qui la regardent. «Je peux citer plusieurs exemples comme celui de ce jeune couple d'une trentaine d'années qui tous les deux ans investit chez nous 15 000 euros dans l'achat de tableaux », dit Marie Gondouin, une des responsables de la galerie Taménaga, avenue Matignon, à Paris. Cette galerie est exemplaire du genre. Elle a été créée en 1969 par Kiyoshi Taménaga à Tokyo, puis étendue à Osaka, est installée depuis 1971 à Paris où elle est dirigée par le fils du créateur, Kiyotsugu. Elle vend des œuvres d'artistes modernes hautement renommés mais aujourd'hui disparus comme Dufy, Marie Laurencin, Bonnard, Derain, Monet, Redon, Chagall, Foujita…Et elle s'est aussi fait une spécialité dans la promotion d'artistes contemporains figuratifs, vivant en France, comme Aïzpiri, Cottavoz, Bardone, Guiramand, Weisbuch, Fusaro…ou d'artistes étranger comme Tom Christopher, auxquels elle a donné une ouverture internationale. Taménaga a vendu plusieurs centaines de Buffet au Japon. Et, depuis sa galerie de Paris, des centaines de tableaux d'artistes d'aujourd'hui dont les œuvres sont accrochées en France bien sûr, mais aussi au Japon, en Italie, en Irlande, en Allemagne, au Brésil, en Angleterre, en Russie, en Afrique du Sud, en Espagne, au Mexique, en Australie, en Suisse…En somme dans le monde entier ! Les tarifs sont à la mesure des ambitions de cette maison. Exprimés en fonction de la taille du tableau ils s'évaluent pour un 20 figure ( 73 X 60 cm.) à 40 000 euros pour Aïzpiri ; 13 000 euros pour Weisbuch ;14 000 euros pour Guiramand ; 5 500 euros pour Gorriti (le fils d'Aïzpiri) ; 14 500 euros pour Cottavoz…
L'artistiquement correct
Quand on évoque la peinture contemporaine, des toiles abstraites, monochromes ou bariolées, immenses parfois, mais n'ayant aucun souci de représenter quoi que ce soit, surgissent immédiatement à l'esprit. Et dans de nombreux pays voisins de la France, comme la Belgique et l'Allemagne, ou aux Etats-Unis par exemple, c'est bien ce type de peinture parfois perturbant qui garnit les cimaises des appartements et des bureaux de la bourgeoisie la mieux installée ou, parmi les jeunes générations, des nouvelles fortunes de la Wallstreet. En France, pays moins aventureux sans doute, il n'en est pas vraiment ainsi. C'est le plus souvent une peinture beaucoup moins extravagante ou inquiétante qui fait florès dans les salons des mieux nantis. Le figuratif tient toujours dans l'hexagone le haut du pavé. Cette réalité esthétique et sociologique n'apparaît que rarement dans le discours officiel sur l'art d'aujourd'hui où n'est mis en avant que « l'artistiquement correct ».
Ainsi, de très nombreux artistes, parce qu'ils ne sont pas dans le vent des coteries, parce qu'il n'ont comme on dit « pas la carte », se trouvent exclus des recensions des critiques les plus en vue, des musées et des galeries officiels. C'est fort dommage. Comment expliquer autrement le relatif silence autour d'un immense artiste français comme Paul Rebeyrolle, qui pourrait rivaliser avec le Britannique et très encensé Bacon ? Comment ne pas regretter que le si créatif et puissant Lad Kijno, dont une partie de l'oeuvre s'inspire du réel visible, ne bénéficie pas d'une aura et d'une médiatisation aussi grande que s'il était allemand ou américain ? Pourquoi n'est-il pas « chic », à Paris Rive gauche, de dire du bien des toiles, des sculptures et des personnages superbement boursouflés de Fernando Botero qui font un malheur partout dans le monde, se vendent à des prix considérables et attirent, à Paris même, au Musée Dina Vierny, tant d'admirateurs enthousiastes ?
Le célèbre marchand de tableaux de l'avenue Matignon, Maurice Garnier, raconte qu'un des grands critiques d'art de l'époque, Otto Hahn, avait fait voilà des années à la télévision suisse romande cette révélation après avoir écrit son premier article sur Bernard Buffet frappé d'un semblable ostracisme. « Je viens de transgresser 20 années de terrorisme intellectuel ». Aimé du public, acheté partout dans le monde, Bernard Buffet était ignoré du petit milieu de l'art officiel. Ni l'œuvre ni la cote de Bernard Buffet n'en ont vraiment pâti. Ses toiles, à la galerie Maurice Garnier , qui en a vu passer 8000 depuis 1948, valent de nos jours de 45 700 euros ( 65x50 cm.) à 183 000 euros pour « Broadway » de 1989 (195x114 cm.). La meilleure clientèle est française. Aux Etats-Unis les prix sont plus élevés.
Il ne s'agit pas, ici, d'instruire un quelconque procès de la peinture la plus avant-gardiste qui, elle, est à bon droit très soutenue. Ni de nier ou de sous-estimer son intérêt tant du point de vue artistique que du point de vue historique. Son impact médiatique et social, sa créativité et sa force d'innovation sont indéniables et sa cote est justement puissante dans l'univers des amateurs et des collectionneurs concernés. Mais on doit constater que, dans la réalité des faits, ce marché de pointe, difficile et exigeant, est loin d'être exclusif. Il existe à côté un autre marché très vaste, celui d'un art bien vivant et très apprécié, dans la grande tradition de la peinture « bien faite », qui n'exclut ni l'imagination, ni l'interprétation. Cet art figuratif en effet mobilise environ un tiers des échanges du marché de l'art.
L'exposition « Cher peintre » organisée l'an passé au Centre Pompidou a démontré combien la peinture figurative est d'actualité et appréciée dans tout le monde occidental, excepté la France (à quelques cas près). Axel Katz, Elisabeth Peyton, Peter Doig, Kurt Kauper, Martin Kippenberger, Sigmar Polke… qui sont de véritables stars outre-Atlantique ou bien outre-Rhin, illustraient brillamment ce propos à côté des deux seuls Français vivants rescapés de l'opération: Carole Benzaken et Bruno Perramant.. Au début de 2002, le Musée d'art moderne de la Ville de Paris, sous l'autorité de Suzanne Pagé, avait de son côté rendu compte de cette vivacité mondiale de la peinture de représentation dans une exposition au titre éloquent : « Urgent painting ». Et lorsqu'actuellement , au Centre Pompidou, à l'exposition de cinquante nées de dessins de Cy Twombly, ou dans le catalogue édité par Gallimard, on admire les « Iris de Nicola », on constate que l'un des immenses artistes contemporains ne refuse pas la figuration.
Le goût du public, pour un art qui ne se défie pas de la représentation mais qui en joue, est très partagé. A preuve, l'engouement pour un jeune artiste comme Stéphane Pencréac'h très vite engagé par Pierre et Marianne Nahon dans leur galerie Notre-Dame des Fleurs à Vence et présenté en vedette à la FIAC comme à l'Espace Fayet de Lézignan. On note aussi un regain d'intérêt pour les maîtres du paysage provençal, comme en témoigne l'article publié récemment par Stéphanie Perris Delmas dans La Gazette de l'Hôtel Drouot. « Parmi les têtes d'affiche, écrit-elle, citons par exemple, F.. Ziem et J.B. Olive dont les vues de port se vendent 23/45 000 euros. Les toiles de Monticelli se situent dans le même éventail de prix, celles d'André Verdilhan entre 15/ 45 000 euros, celles de Vincent Courdouan ou de Ponson entre 7600 et 30 000 euros, d'Alfred Casile entre 4 500 et 145 000 euros. »
Ecole de Paris
La vente organisée le 28 décembre à Cannes par Me Jean-Pierre Besch à l'Hôtel Martinez faisait défiler les toiles ou les papiers de nombre d' artistes figuratifs aujourd'hui disparus. Une huile sur panneau de Maximilien Luce (1858-1941) « Les Baigneurs » (27x35 cm.) était adjugée 5 500 euros ; un portrait de «Jeune fille au collier » par Marie Laurencin (1885-1956) , 41x33 cm. , 38 000 euros ; une huile sur toile « Les Baux de Provence », (73x92 cm.) par Yves Brayer (1907-1990), 17 000 euros ; un « Arlequin » de Bernard Lorjou, (1908-1986), 102x 73 cm., 6 000 euros ; un nu de Jean-Gabriel Domergue, (1889-1962), « Féérie », 27x22 cm., 4 400 euros ; un portrait du même « Jeune femme au bibi rouge », 24x39 cm, 4 000 euros et une autre huile, « Corine », 73x60 cm., 9 800 euros ; « Le phare de la vieille couronne » de Pierre Ambrogiani, 60x73 cm., 5 000 euros ; une aquarelle de Jean Carzou, (1907-2000), « Nature morte », 1 500 euros, et plusieurs pastels de Gen Paul (1895-1975), « Saint-Jean-de-Luz », 41x55 cm, 2 900 euros , « Aux courses », 2 000 euros, « Le petit port », 1 700 euros. Une aquarelle de Paul Aïzpiri, toujours en pleine activité, « Port méditérranéen », partait pour 4 500 euros.
Le succès de l'art figuratif redonne vie à des formules qui avaient tendance à s'effacer. L'appellation de L'école de Paris, née en 1920, sous la plume d'André Warnod, dans la revue Comoedia, a d'abord regroupé les artistes de Montparnasse ou de Montmartre comme Modigliani, Foujita, Chagall, Kisling, Pascin, Soutine, Utrillo…,tous figuratifs. Elle sera reprise après la Libération pour rassembler, notamment lors d'une exposition à la Galerie Charpentier, des artistes oeuvrant dans les années 40 à 60, abstraits, comme Bazaine, Manessier, Estève, Soulages, Hartung…ou figuratifs comme Pignon, Brayer, Chapelain-Midy, Lapicque…Un tel mélange était aussi flou qu'explosif et d'ailleurs il explosa très vite. Il n'empêche, le label subsiste pour évoquer des artistes, dont une large part de figuratifs, qui font de beaux résultats en ventes publiques et dans des galeries de l'Avenue Matignon, du Faubourg Saint-Honoré, de la Place des Vosges et autres. Des galeries auxquelles il arrive d'avoir pignon sur plusieurs continents...
Opera Gallery, sise rue Saint-Honoré à Paris, se développe aussi, et comment, à New-York, à Singapour et à Miami…Elle présente sur l'ensemble de ses sites immobiliers (et aussi sur internet naturellement) des artistes de « l'Ecole de Paris » où elle classe à côté de disparus comme André Lhote et Bernard Lorjou des artistes vivants : Marcel Mouly, Raya, André Brasilier , Pierre Boncompain, James Coignard, Claude Hemeret… ; des artistes « du réel à l'imaginaire » où cohabitent Gabriel Anastassios, Patrick Boussignac, Jean-Pierre Roc-Roussy, Alain Kleinmann, Yuri, Jean-Pierre Ceytaire, Isabelle Hugo.. ;des artistes du Trompe l'œil ; des peintres de la réalité comme Guy Brauns, Patrick Réault, Jean-Baptiste Valadié… ; de nouveaux artistes comme Kriki, May Leong, Christian Guy, Victor Hagéa… ; des artistes de la figuration libre comme Ron English ou Didier Chamizo.
L'exemple de cet artiste est particulièrement intéressant. Né en 1951à Cahors, Didier Chamizo est très vite attiré par une impétueuse vocation de dessinateur et de peintre. Mais quelques dérives personnelles et des engagements politiques le conduisent après des péripéties dignes d'un roman d'époque – les années post 68-à se retrouver en prison pour une bonne quinzaine d'années. Là, soutenu d'ailleurs par une administration somme toute compréhensive, il peut retrouver crayons et pinceaux. Il s'engage à fond dans cette nouvelle aventure de la couleur et de la forme, si bien qu'une fois gracié par François Mitterrand en 1993, il devient un artiste à part entière. Des galeries comme celle d'Enrico Navarra, Seine 51 de Claude Guedj ou Opera Gallery de Gilles Dyan, accueillent son travail qui est montré dans des expositions en France et à l'étranger et trouve un public de fervents collectionneurs. Sa cote désormais s'établit au niveau des bons artistes confirmés. A Opera Gallery, par exemple, ou de nombreuses toiles de luisont présentées, son « The last looping of Superman », un portrait inspiré de Jean-Michel Basquiat, vaut 15 000 euros.
Publié dans Le Figaro ( 2004 )
Pour une mal-aimée des critiques d'art et des institutions, elle se porte rudement bien la peinture figurative !!! Que ce soit dans les galeries ou dans les salles de vente, un public dense se presse avec assiduité pour acheter des tableaux d'artistes qui ont l'audace et la chance de plaire et de faire plaisir aux yeux de ceux qui la regardent. «Je peux citer plusieurs exemples comme celui de ce jeune couple d'une trentaine d'années qui tous les deux ans investit chez nous 15 000 euros dans l'achat de tableaux », dit Marie Gondouin, une des responsables de la galerie Taménaga, avenue Matignon, à Paris. Cette galerie est exemplaire du genre. Elle a été créée en 1969 par Kiyoshi Taménaga à Tokyo, puis étendue à Osaka, est installée depuis 1971 à Paris où elle est dirigée par le fils du créateur, Kiyotsugu. Elle vend des œuvres d'artistes modernes hautement renommés mais aujourd'hui disparus comme Dufy, Marie Laurencin, Bonnard, Derain, Monet, Redon, Chagall, Foujita…Et elle s'est aussi fait une spécialité dans la promotion d'artistes contemporains figuratifs, vivant en France, comme Aïzpiri, Cottavoz, Bardone, Guiramand, Weisbuch, Fusaro…ou d'artistes étranger comme Tom Christopher, auxquels elle a donné une ouverture internationale. Taménaga a vendu plusieurs centaines de Buffet au Japon. Et, depuis sa galerie de Paris, des centaines de tableaux d'artistes d'aujourd'hui dont les œuvres sont accrochées en France bien sûr, mais aussi au Japon, en Italie, en Irlande, en Allemagne, au Brésil, en Angleterre, en Russie, en Afrique du Sud, en Espagne, au Mexique, en Australie, en Suisse…En somme dans le monde entier ! Les tarifs sont à la mesure des ambitions de cette maison. Exprimés en fonction de la taille du tableau ils s'évaluent pour un 20 figure ( 73 X 60 cm.) à 40 000 euros pour Aïzpiri ; 13 000 euros pour Weisbuch ;14 000 euros pour Guiramand ; 5 500 euros pour Gorriti (le fils d'Aïzpiri) ; 14 500 euros pour Cottavoz…
L'artistiquement correct
Quand on évoque la peinture contemporaine, des toiles abstraites, monochromes ou bariolées, immenses parfois, mais n'ayant aucun souci de représenter quoi que ce soit, surgissent immédiatement à l'esprit. Et dans de nombreux pays voisins de la France, comme la Belgique et l'Allemagne, ou aux Etats-Unis par exemple, c'est bien ce type de peinture parfois perturbant qui garnit les cimaises des appartements et des bureaux de la bourgeoisie la mieux installée ou, parmi les jeunes générations, des nouvelles fortunes de la Wallstreet. En France, pays moins aventureux sans doute, il n'en est pas vraiment ainsi. C'est le plus souvent une peinture beaucoup moins extravagante ou inquiétante qui fait florès dans les salons des mieux nantis. Le figuratif tient toujours dans l'hexagone le haut du pavé. Cette réalité esthétique et sociologique n'apparaît que rarement dans le discours officiel sur l'art d'aujourd'hui où n'est mis en avant que « l'artistiquement correct ».
Ainsi, de très nombreux artistes, parce qu'ils ne sont pas dans le vent des coteries, parce qu'il n'ont comme on dit « pas la carte », se trouvent exclus des recensions des critiques les plus en vue, des musées et des galeries officiels. C'est fort dommage. Comment expliquer autrement le relatif silence autour d'un immense artiste français comme Paul Rebeyrolle, qui pourrait rivaliser avec le Britannique et très encensé Bacon ? Comment ne pas regretter que le si créatif et puissant Lad Kijno, dont une partie de l'oeuvre s'inspire du réel visible, ne bénéficie pas d'une aura et d'une médiatisation aussi grande que s'il était allemand ou américain ? Pourquoi n'est-il pas « chic », à Paris Rive gauche, de dire du bien des toiles, des sculptures et des personnages superbement boursouflés de Fernando Botero qui font un malheur partout dans le monde, se vendent à des prix considérables et attirent, à Paris même, au Musée Dina Vierny, tant d'admirateurs enthousiastes ?
Le célèbre marchand de tableaux de l'avenue Matignon, Maurice Garnier, raconte qu'un des grands critiques d'art de l'époque, Otto Hahn, avait fait voilà des années à la télévision suisse romande cette révélation après avoir écrit son premier article sur Bernard Buffet frappé d'un semblable ostracisme. « Je viens de transgresser 20 années de terrorisme intellectuel ». Aimé du public, acheté partout dans le monde, Bernard Buffet était ignoré du petit milieu de l'art officiel. Ni l'œuvre ni la cote de Bernard Buffet n'en ont vraiment pâti. Ses toiles, à la galerie Maurice Garnier , qui en a vu passer 8000 depuis 1948, valent de nos jours de 45 700 euros ( 65x50 cm.) à 183 000 euros pour « Broadway » de 1989 (195x114 cm.). La meilleure clientèle est française. Aux Etats-Unis les prix sont plus élevés.
Il ne s'agit pas, ici, d'instruire un quelconque procès de la peinture la plus avant-gardiste qui, elle, est à bon droit très soutenue. Ni de nier ou de sous-estimer son intérêt tant du point de vue artistique que du point de vue historique. Son impact médiatique et social, sa créativité et sa force d'innovation sont indéniables et sa cote est justement puissante dans l'univers des amateurs et des collectionneurs concernés. Mais on doit constater que, dans la réalité des faits, ce marché de pointe, difficile et exigeant, est loin d'être exclusif. Il existe à côté un autre marché très vaste, celui d'un art bien vivant et très apprécié, dans la grande tradition de la peinture « bien faite », qui n'exclut ni l'imagination, ni l'interprétation. Cet art figuratif en effet mobilise environ un tiers des échanges du marché de l'art.
L'exposition « Cher peintre » organisée l'an passé au Centre Pompidou a démontré combien la peinture figurative est d'actualité et appréciée dans tout le monde occidental, excepté la France (à quelques cas près). Axel Katz, Elisabeth Peyton, Peter Doig, Kurt Kauper, Martin Kippenberger, Sigmar Polke… qui sont de véritables stars outre-Atlantique ou bien outre-Rhin, illustraient brillamment ce propos à côté des deux seuls Français vivants rescapés de l'opération: Carole Benzaken et Bruno Perramant.. Au début de 2002, le Musée d'art moderne de la Ville de Paris, sous l'autorité de Suzanne Pagé, avait de son côté rendu compte de cette vivacité mondiale de la peinture de représentation dans une exposition au titre éloquent : « Urgent painting ». Et lorsqu'actuellement , au Centre Pompidou, à l'exposition de cinquante nées de dessins de Cy Twombly, ou dans le catalogue édité par Gallimard, on admire les « Iris de Nicola », on constate que l'un des immenses artistes contemporains ne refuse pas la figuration.
Le goût du public, pour un art qui ne se défie pas de la représentation mais qui en joue, est très partagé. A preuve, l'engouement pour un jeune artiste comme Stéphane Pencréac'h très vite engagé par Pierre et Marianne Nahon dans leur galerie Notre-Dame des Fleurs à Vence et présenté en vedette à la FIAC comme à l'Espace Fayet de Lézignan. On note aussi un regain d'intérêt pour les maîtres du paysage provençal, comme en témoigne l'article publié récemment par Stéphanie Perris Delmas dans La Gazette de l'Hôtel Drouot. « Parmi les têtes d'affiche, écrit-elle, citons par exemple, F.. Ziem et J.B. Olive dont les vues de port se vendent 23/45 000 euros. Les toiles de Monticelli se situent dans le même éventail de prix, celles d'André Verdilhan entre 15/ 45 000 euros, celles de Vincent Courdouan ou de Ponson entre 7600 et 30 000 euros, d'Alfred Casile entre 4 500 et 145 000 euros. »
Ecole de Paris
La vente organisée le 28 décembre à Cannes par Me Jean-Pierre Besch à l'Hôtel Martinez faisait défiler les toiles ou les papiers de nombre d' artistes figuratifs aujourd'hui disparus. Une huile sur panneau de Maximilien Luce (1858-1941) « Les Baigneurs » (27x35 cm.) était adjugée 5 500 euros ; un portrait de «Jeune fille au collier » par Marie Laurencin (1885-1956) , 41x33 cm. , 38 000 euros ; une huile sur toile « Les Baux de Provence », (73x92 cm.) par Yves Brayer (1907-1990), 17 000 euros ; un « Arlequin » de Bernard Lorjou, (1908-1986), 102x 73 cm., 6 000 euros ; un nu de Jean-Gabriel Domergue, (1889-1962), « Féérie », 27x22 cm., 4 400 euros ; un portrait du même « Jeune femme au bibi rouge », 24x39 cm, 4 000 euros et une autre huile, « Corine », 73x60 cm., 9 800 euros ; « Le phare de la vieille couronne » de Pierre Ambrogiani, 60x73 cm., 5 000 euros ; une aquarelle de Jean Carzou, (1907-2000), « Nature morte », 1 500 euros, et plusieurs pastels de Gen Paul (1895-1975), « Saint-Jean-de-Luz », 41x55 cm, 2 900 euros , « Aux courses », 2 000 euros, « Le petit port », 1 700 euros. Une aquarelle de Paul Aïzpiri, toujours en pleine activité, « Port méditérranéen », partait pour 4 500 euros.
Le succès de l'art figuratif redonne vie à des formules qui avaient tendance à s'effacer. L'appellation de L'école de Paris, née en 1920, sous la plume d'André Warnod, dans la revue Comoedia, a d'abord regroupé les artistes de Montparnasse ou de Montmartre comme Modigliani, Foujita, Chagall, Kisling, Pascin, Soutine, Utrillo…,tous figuratifs. Elle sera reprise après la Libération pour rassembler, notamment lors d'une exposition à la Galerie Charpentier, des artistes oeuvrant dans les années 40 à 60, abstraits, comme Bazaine, Manessier, Estève, Soulages, Hartung…ou figuratifs comme Pignon, Brayer, Chapelain-Midy, Lapicque…Un tel mélange était aussi flou qu'explosif et d'ailleurs il explosa très vite. Il n'empêche, le label subsiste pour évoquer des artistes, dont une large part de figuratifs, qui font de beaux résultats en ventes publiques et dans des galeries de l'Avenue Matignon, du Faubourg Saint-Honoré, de la Place des Vosges et autres. Des galeries auxquelles il arrive d'avoir pignon sur plusieurs continents...
Opera Gallery, sise rue Saint-Honoré à Paris, se développe aussi, et comment, à New-York, à Singapour et à Miami…Elle présente sur l'ensemble de ses sites immobiliers (et aussi sur internet naturellement) des artistes de « l'Ecole de Paris » où elle classe à côté de disparus comme André Lhote et Bernard Lorjou des artistes vivants : Marcel Mouly, Raya, André Brasilier , Pierre Boncompain, James Coignard, Claude Hemeret… ; des artistes « du réel à l'imaginaire » où cohabitent Gabriel Anastassios, Patrick Boussignac, Jean-Pierre Roc-Roussy, Alain Kleinmann, Yuri, Jean-Pierre Ceytaire, Isabelle Hugo.. ;des artistes du Trompe l'œil ; des peintres de la réalité comme Guy Brauns, Patrick Réault, Jean-Baptiste Valadié… ; de nouveaux artistes comme Kriki, May Leong, Christian Guy, Victor Hagéa… ; des artistes de la figuration libre comme Ron English ou Didier Chamizo.
L'exemple de cet artiste est particulièrement intéressant. Né en 1951à Cahors, Didier Chamizo est très vite attiré par une impétueuse vocation de dessinateur et de peintre. Mais quelques dérives personnelles et des engagements politiques le conduisent après des péripéties dignes d'un roman d'époque – les années post 68-à se retrouver en prison pour une bonne quinzaine d'années. Là, soutenu d'ailleurs par une administration somme toute compréhensive, il peut retrouver crayons et pinceaux. Il s'engage à fond dans cette nouvelle aventure de la couleur et de la forme, si bien qu'une fois gracié par François Mitterrand en 1993, il devient un artiste à part entière. Des galeries comme celle d'Enrico Navarra, Seine 51 de Claude Guedj ou Opera Gallery de Gilles Dyan, accueillent son travail qui est montré dans des expositions en France et à l'étranger et trouve un public de fervents collectionneurs. Sa cote désormais s'établit au niveau des bons artistes confirmés. A Opera Gallery, par exemple, ou de nombreuses toiles de luisont présentées, son « The last looping of Superman », un portrait inspiré de Jean-Michel Basquiat, vaut 15 000 euros.
Publié dans Le Figaro ( 2004 )
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