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"Le Mur de Berlin" de Yadegar Asisi

 

 



 



 

 

Berlin est aujourd’hui une ville en devenir. Fondée au XIIIème siècle, la capitale de l’Allemagne du XXIème siècle, est encore un immense chantier. Les secousses de la Seconde guerre mondiale et celles de la Guerre froide y ont laissé des cicatrices profondes que les politiques, les architectes et les bâtisseurs, jour après jour, s’efforcent d’effacer pour faire de ce centre de l’économie européenne et mondiale une ville à la mesure de leurs ambitions.

 

De 1961 à 1989, vingt-huit années durant, entre l’Est et l’Ouest, une grande fracture a coupé en deux l’immense cité, anéantissant tout lien entre les vivants de part et d’autre. Construit en béton armé, redoublé d’un no man’s land, contrôlé militairement de jour et de nuit, infranchissable, sauf le plus souvent au prix de la mort, le Mur de Berlin, qui fut aussi celui de la honte, a été abattu voilà vingt trois ans. Pour le témoignage de l’Histoire, il en demeure quelques pans que des artistes venus de la terre entière ont couverts, après la chute de 1989, de peintures d’un humanisme vibrant ou d’un espoir grandiose : « Plus jamais ça ! ».

 

 



Reste que pour la mémoire, pour rappeler aux générations d’aujourd’hui et à celles à venir ce qu’a été cette sombre folie idéologique, il fallait une œuvre d’art puissante et énorme qui la fixe et l’exorcise. La voici, à « Check Point Charlie », offerte aux regards et à l’admiration des visiteurs et à la réflexion des milliers de touristes allemands ou étrangers. C’est « Die Mauer » de Yadegar Asisi. Là, s’inscrit l’histoire sur un écran gigantesque qui part du sol et monte sur des mètres et des mètres. L’ image présentée sur des centaines de mètres carrés englobe le spectateur dans une vision, panoramique, à 360 °,  qui donne l’illusion de la réalité. Il s’agit, à cent pour cent, d’une œuvre artistique utilisant les métiers les plus anciens de la représentation et les techniques les plus contemporaines du graphisme. Elle est composite mais unique, formée, grâce à l’ordinateur de centaines de photographies mises à l’échelle, reprises par le pinceau  de peintres attentifs aux détails. Elle représente, dans le quartier aujourd’hui si animé de Kreuzberg, la Sebastian Strasse, la Heine Strasse, avec vue sur la UBahn station de Moritz Platz, la tour de la télévision de l’Alexander Platz, l’église Saint Michaël, le restaurant Henne, le magasin Späti ouvert la nuit, la station d’essence Shell… Tout ce paysage de la légende vraie et  cruelle. Figurent sur cet écran, comme si vous y étiez, les dizaines d’immeubles de cette frontière. Des immeubles de l’est et des immeubles de l’ouest, le Mur, le Noman’s land, les herses barbelées, les vopos avec leur jumelles et la pancarte en quatre langue : « You are leaving the american sector… »… bref,  la vie reconstituée plus véritable encore que décrite dans les livres d’histoire.

 

 

 




L’auteur, le créateur de ce monument s’appelle Yadegar Asisi. C’est un artiste d’origine persane, né à Vienne en 1955. Il a passé sa jeunesse en Allemagne de l’Est, la RDA, à Halle et Leipzig.  Il a fait ses études d’architecte et de dessinateur graphiste à l’Université technique de Dresde. De là, il est passé à l’ouest, pour compléter son cursus au Collège des arts de Berlin. Il a alors choisi, en 1990, de se consacrer à l’art et à la réalisation de panoramas.  Il a alors créé dans ce but une entreprise qui emploie plus de soixante personnes à Berlin, Leipzig et Dresde. De 2003 à 2006, Asisi et ses employés ont créé d’immenses panoramas ayant pour sujet des sites extraordinaires, disparus ou lointains,  comme la Rome du IVème siècle, la Dresde de l’apogée du Baroque aux XVIIème et XVIIIème siècles, la forêt amazonienne, l’Éverest… Il installe au moyen de projecteurs puissantissimes  ces images composites et hyperréalistes pleinement développées dans d’anciens gazomètres désaffectés dont la forme circulaire et l’ampleur se prêtent au jeu. Le Mur de Berlin s’inscrit dans cette suite d’aventures. C’est sans doute la plus forte

 

On ne saurait se rendre à Berlin sans aller voir cette réussite extraordinaire. L’histoire y frissonne.

Jacques Bouzerand



29/04/2013
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