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Meubles des années 70: déjà des antiquités... ( 2004 )

MEUBLES : LES ANNEES 70 SONT DEJA DES ANTIQUITES


L'Histoire accélère… Les années 70, les Seventie's comme on dit à New-York ou à Londres, sont désormais dans les rayons des Antiquaires les plus chics et les mieux fréquentés. A la Biennale, en septembre, au Carrousel du Louvre, haut lieu mondial du bon goût, capteur sensible de l'air du temps, le stand d'Yves Gastou, consacré à ce pan de l'histoire des arts décoratifs, a fait un malheur. Le 26 octobre chez Artcurial à l'Hôtel Dassault, aux Champs-Elysées, le mobilier 70 était en vedette avec, en particulier, des meubles ayant appartenu à François Mitterrand : en 1971, lors d'un voyage au Danemark, le futur Président de la République avait découvert avec sa femme le travail du designer danois Poul Kjaerholm (1929-1980). Il apprécie la légèreté des formes scandinaves et rapporte en France quelques pièces de cet artiste ( éditées par E.Kold Christensen, vers 1970 ) qui prendront place l'appartement de la rue de Bièvre. Le fauteuil de repos PK21, en acier brossé et cuir, créé en 1967, se trouvait dans le bureau près de la fenêtre. Il servait de fauteuil de lecture (vendu 5 700€) ; une suite de six chaises PK9 (vendue 6 500 €), 1960-1961, entourait la table de salle à manger, tandis qu'une paire de chauffeuses PK22 (vendue 8 500 €) meublait le salon. Deux tabourets PK41 (vendue 11 000 €) du designer scandinave était également proposée.. Même sans un tel pedigree, des objets d'époque se taillaient une place de choix. Des lampes à basse tension de Théodore Waddell ont séduit les acheteurs. Ainsi la lampe « Elettra» de 1971 (3 346 €) et la lampe « Uranio » de 1969 (Vendue 4 837€) .
    
Les Seventies sont décidément à la mode. La consultation de La Gazette de l'Hôtel Drouot en témoigne chaque semaine. Cette décennie fait aussi de belles enchères chez Cornette de Saint-Cyr, Camard (vente prévue à Drouot, le 22 novembre), Christie's, Tajan….A la FIAC du 21 au 25 octobre, la très belle section design a été saluée comme une fort intéressante innovation. De nombreuses pièces de mobilier de ces années 70, chaises, tables, tabourets, lampadaires… étaient également en vente du 8 au 10 octobre à la 11° édition des Puces du Design, Passage du Grand Cerf et Place Goldoni dans le quartier Montorgueil (Paris 2°). Organisée depuis 1999 par Fabien Bonillo, cette manifestation bi-annuelle  (mai et octobre) réunit les amateurs autour de marchands spécialisés en meubles et objets du XX° siècle, venus de toute la France. Rue Duchefdelaville dans le XIII ème arrondissement devenu (sous la bannière de « Louise »), un fief de l'art contemporain, la galerie Kréo, est spécialisée dans le design des années 60 à nos jours. On y trouve des   meubles en plastique et en bois comprimé de Raymond Loewy , le fauteuil cygne de Pierre Paulin, en métal et mousse très seventies. Rue de Seine une autre galerie, Down Town, fait son miel dans les années  20 à 80. Notamment le mobilier d'architectes.
Le public y trouve son compte. A Paris, la Mairie du 17ème arrondissement, accueillait du 25  septembre au 8 octobre   deux expositions. « Les Assises des Seventies » (en partenariat avec la galerie voisine Forum Diffusion) déployait sièges, fauteuils et canapés., « Esthétique 70's ou la Vie en Couleur » mettait en scène des objets de la vie quotidienne (électroménager, télévision, …) en plastique, formica, polystyrène. Et jusqu'en janvier se tient au Palais des expositions de la porte de Vincennes une rétrospective « 40 ans de design »…
                
Design : dessin et dessein

Faut-il parler de meubles ? de design ? Le directeur du département mobilier du XX ème siècle chez Artcurial, Fabien Naudan,  rappelle la définition du design : « le dessin et le dessein ». Il établit une distinction éclairante  dans les mobiliers des années 70. D'abord, les mobiliers en  plastique, les plus courants, comme la machine à écrire cerise de Valentine par Sottsass, éditée à des milliers d'exemplaires ou les chaises de Joe Colombo dont on connaît la lampe KD27. Un niveau d'élaboration au-dessus, figurent les meubles Pop comme le fauteuil Albatros ou la table Ondine de Danielle Quarante, les meubles de Verner Panton, designer du « total look » dont une exposition aux Salines de Chaux retrace le parcours et dont la chaise en porte-à-faux illustre la couverture du livre « Les mille chaises » chez Taschen ou les créations de  Roger Tallon « module 400 »  que l'on peut voir dans le film « La Piscine » de  Jacques Deray avec Alain Delon et Romy Schneider. Encore un cran et viennent des pièces plus complexes qui, jamais rééditées, atteignent déjà de très gros prix.  Par exemple la lampe Moloch de Gaetano Pesce ( un des 12 exemplaires s'est vendue 122 000 euros chez Artcurial le 26 octobre) ; la lampe épingle à nourrice de Yonel Lebovici (20 exemplaires) ; les lampes basse tension de Théodore Waddell ou celles d'Arditti.  Selon Fabien Audan, ce qui caractérise ce mobilier des années 70, c'est « la maîtrise de l'obsolescence ». Les meubles des années 50 étaient conçus pour durer. Ceux des annnées 70 (plastique, mousse, revêtements élastiques) étaient périssables. Sitôt cassés, sitôt jetés. Du coup ils se sont raréfiés. rééditées, atteignent déjà de très gros prix.  Par exemple la lampe Moloch de Gaetano Pesce ( un des 12 exemplaires  vendue 122 000 euros chez Artcurial le 26 octobre) ; la lampe épingle à nourrice de Yonel Lebovici (20 exemplaires) ; les lampes basse tension de Théodore Waddell ou celles d'Arditti.  Selon Fabien Audan, ce qui caractérise ce mobilier des années 70, c'est « la maîtrise de l'obsolescence ». Les meubles des années 50 étaient conçus pour durer. Ceux des annnées 70 (plastique, mousse, revêtements élastiques) étaient périssables. Sitôt cassés, sitôt jetés. Du coup ils se sont raréfiés.

Yves Gastou, « antiquaire du Futur », s'est lancé à fond dans cette aventure trentenaire. C'est un personnage. Et une histoire. Il raconte : « Je suis né à Limoux, en Midi-Pyrénées, dans une famille bourgeoise. Dans les années 60 la norme était aux intérieurs Louis XV, Louis XVI, Directoire, Empire…Par réaction, par provocation, dès l'âge de 16 ans, je me suis intéressé à l'art nouveau. On négligeait alors Gallé, Guimard, Majorelle… Je commençais à travailler avec un antiquaire de la ville, me spécialisant dans ces objets ou ces mobiliers « démodés ». On les trouvait facilement et à très bon prix dans les familles de la région, des viticulteurs qui avaient été très aisés à la fin du XIX ème siècle ou chez les Pieds-Noirs  arrivés d'Algérie avec des meubles de cette époque et pressés de les échanger pour du mobilier très fonctionnel et contemporain. » Yves Gastou s'installe ensuite à son compte à Carcassonne, puis à Toulouse, au marché Saint-Sernin.  De la Côte Basque à la Côte d'Opale, il mène sa chasse aux trouvailles. Il achète et vend du 1900 mais s'ouvre aussi à l'art Déco des années 30. Yves Gastou propose à des marchands parisiens, comme les Vallois ou Alain Lesieutre les meubles de Rulhman, Legrain ou Charreau, qu'il négocie au mieux des ses intérêts. Son œil évolue. Il découvre André Arbus et Gilbert Poillerat, et s'enthousiasme pour leur travail. Avant d'ouvrir un magasin à Paris en 1981, il propose déjà les années 70 au Marché Serpette. Mais la clientèle branchée ne suit pas encore et Yves Gastou revient avec succès aux années 40-50 : Prouvé, Perriand…et aux designers Italiens comme Gio Ponti, à cette époque très accessibles.
Lorsqu'on sait qu'aujourd'hui une belle table de Charlotte Perriand ou d'Arbus vaut 150 000 euros ou qu'une superbe table de Poillerat vient d'être achetée par un musée 750 000 euros on réalise que ses choix étaient les bons… Question de flair. « On le constate lorsque la reconnaissance de l'artiste est devenue générale. Même les musées n'ont pas toujours saisi l'occasion., dit-il »

        La fortune des collectionneurs

Et les années 70 ? On y revient. « Tout le monde est passé à côté, assure Yves Gastou. C'était une époque de folle créativité. C'était formidable : Paco Rabanne, André Courrèges, les Beattles, le Pop Art, Warhol, l'explosion du design…Après l'art Déco, c'est la deuxième révolution du XX ème siècle. Je sais que ces choses sont encore à des prix accessibles. C'est maintenant qu'il faut acheter. Et si je le dis c'est en connaissance de cause : j'ai fait la fortune des collectionneurs qui m'ont fait confiance voilà seulement 10 ou 15 ans. »
Les noms des grands des années 30, 40 ou 50 sont maintenant bien installés dans les livres ou les musées. L'intérêt des années 70 est que le jeu reste très ouvert. Il y a encore beaucoup de vrais artistes à découvrir.
Alors, qui sont ces (futures) vedettes des années 70 ? En voici quelques unes : Pierre Paulin, Jansen, Philippe Hiquily (une de ses tables basses en bronze doré à six pieds reliés entre eux par trois barres d'entretoise en métal,  plateau en bois massif de forme rectangulaire, estimée de 12 à 1500 euros a atteint 63 450 euros chez Christie's à Paris le 11 mai 2004), Michel Boyer, Daniel Passegrimaud, Roger Tallon, Maria Pergay, Marie-Claude de Fouquière, Marc Berthier, Maurice Calka, Guy de Rougemont (dont une table nuage s'est vendue récemment 40 000 euros), Michel Ducaroy, Christian Daninos, François Arnal, Danielle Quarante (et ses chaises et tables empilables), Christian Germanaz, Olivier Mourgue (créateur de la série Djinn –avec ses poufs rouges du film 2001, Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick)…
Chez Yves Gastou, rue Bonaparte, voilà une table et un jeu d'échecs de Jansen pour 6000 euros, une grande table de Willy Daro pour 25 000 euros, deux fauteuils de Philippe Hiquily en acier chromé pour 25 000 euros, une table à pieds d'acier brossé, à entablement en résine avec inclusions de Marie-Claude de Fouquière pour 8 000 euros, deux fauteuils Culbuto de Marc Held pour Knoll à 6 000 euros, un semainier de Daniel Passegrimaud pour 15 000 euros…
    Les années 70 sont dans la mire des collectionneurs. Pas encore les années 80-90 :  Via, Neotu, Szekely, Garouste et Bonetti, Sylvain Dubuisson… Elles sont bien plus accessibles. Un conseil : pensez y maintenant. Vous ne le regretterez pas.


ENCADRE         La tentation des arts décoratifs

Les artistes, sculpteurs ou peintres, déjà reconnus pour leur œuvre dans les arts plastiques, ont souvent été tentés par les arts décoratifs. Un prolongement concret dans la vie quotidienne de leurs concepts. Dans les années 70 et en parfaite cohérence avec leur travail habituel, certains ont réalisé ou conçu des mobiliers. C'est le cas de Diego Giacometti  qui a commencé dans les années 50 à faire des meubles avec son frère Alberto (mort en 1966) et qui a développé par la suite sa propre créativité. (Une vente est prévue le 8 décembre, chez Camard, à Drouot) «  Il invente tout un bestiaire familier qui peuple en silhouette les piètements, les angles des meubles, associé à des arbres ou des objets, comme la coupe entourée d'oiseaux ou portée par le Chat maître d'hôtel » précisent dans leur livre Le Mobilier Français 1960-1998, paru aux éditions Massin, Yvonne Brunhammer et Marie-Laure Perrin. C'est aussi le cas de César, avec par exemple une console en bronze coulée dans la forme d'une de ses expansions en résine ou d'un bureau composé de pales de réacteurs d'avion en acier soudés les uns aux autres et recouvert d'une dalle en verre. Ou ses sièges Pyramides, vendues 9 000 euros chez Artcurial en mai 2003.
Niki de Saint-Phalle  décline en polyester polychrome et verni fauteuils, bancs, tabourets, qu'illustrent arbres, serpents ou grenouilles… issus de son univers fantasmatique. Les Lalanne, Claude et François Xavier, inventent un bestiaire mobilier en métal, cuivre, fer, découpé, soudé, plastique…comme le Rhino-crétaire, un secrétaire en forme de rhinocéros ou le fauteuil crocodile. Citons aussi d'autres artistes : Arman,  Nicola L. ( grande exposition en ce moment à Los Angeles), Roy Adzak (de l'Atelier A), Ruth Franken, François Arnal et bien sur Guy de Rougemont et Philippe Hiquily. A la biennale des Antiquaires une grande grille de séparation réalisée par Victor Vasarély, le pape de l'Op art, l'art optique, a été cédée pour quelque 30 000 euros par Yves Gastou.
Des années plus tard, Bernar Venet, l'artiste français le mieux apprécié aux Etats Unis, développera une ligne entière de meubles en acier brut, bien dans sa manière des arcs et des lignes indéterminées. Mais là on est déjà dans les années 90 et c'est une autre histoire.

Publié par Le Figaro  ( 2004 )


02/10/2009
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