Qu'importe le parfum..... ( 2002 )
Parfums: Pourvu qu'on ait le flacon…
L'engouement pour les flacons à parfum est tout récent. Voilà vingt ans encore, ces objets n'avaient guère qu'un prix sentimental. Ils pouvaient certes rappeler un souvenir doux, une date festive, un anniversaire, l'ivresse d'un moment, une personne aimée. Mais en général, une fois vides, on ne les conservait pas. Même les grands parfumeurs envoyaient à la casse, pas encore emplis, ceux qui étaient démodés. Ces petits récipients, parfois de véritables objets d'art, n'ont réellement pris une valeur marchande, d'abord chez quelques antiquaires spécialisés puis dans les ventes aux enchères, que dans les années 80.
Le 1er coup de marteau pour ce marché particulier date de 1986 à l'Hôtel Drouot. A cette initiative, une passionnée, Régine de Robien, qui avait auparavant ouvert à Paris une boutique au nom d'un parfum disparu, Beauté Divine, et un commissaire-priseur curieux, Gilles Néret-Minet. Ce fut un coup de maître et la naissance subite d'un petite folie. Pendant quelques années, disons jusqu'en 1989-90, les acheteurs, passionnés ou investisseurs, musées français et étrangers, parfumeurs désireux de reconstituer l'histoire de leur maison se sont précipités et les prix ont flambé. Ils se sont ensuite calmés. Mais jusqu'à quand?
L'air de la nostalgie
Désormais, bon an mal an, on compte à l'examen de La Gazette de l'Hôtel Drouot, 4 à 5 ventes dédiées à ce genre en France, beaucoup de vacations diversifiées où l'on trouve quelques pièces, ainsi qu'une ou deux ventes à New-York , Chicago, Washington, et autant à Genève, Amsterdam… Mais l'avenir est promis à une grande expansion car, la nostalgie aidant, on redécouvre avec bonheur ces témoignages de l'air du temps, traces d'un passé tout en fragrances, luxe évanoui. Des noms, aussi, de grandes maisons disparues. La gamme des prix y aide beaucoup car elle est extrêmement ouverte et chacun, fortuné ou pas peut y trouver son compte: de 2 euros pour certaines miniatures et jusqu'à 20 000 ou 30 000 euros pour des raretés, voire, exceptionnellement, beaucoup plus. On a ainsi vu à Genève, lors de la vente du 9 novembre organisée par la société Art & Fragances, (expert: Christie Mayer Lefkowith ), dans un contexte très particulier, un flacon historique de Lalique adjugé 120 000 francs suisses, près de 100 000 euros, à un enchérisseur qui manifestement y tenait tout spécialement.
Chaque flacon est une aventure. La première est celle de l'association, en 1907, d'un parfumeur génial, François Coty, avec le célèbre verrier René Lalique. "Donnez à une femme le meilleur produit que vous puissiez préparer, présentez-le dans un flacon parfait d'une belle simplicité, mais d'un goût impeccable, faites le payer un prix raisonnable, et ce sera la naissance d'un grand commerce tel que le monde n'en a jamais vu." C'était de la part de François Coty une assez belle prédiction. Elle se confirmera avec de nombreuses créations plus charmantes les unes que les autres et le développement autour de nombreuses marques d'un des plus beaux fleurons de l'industrie française du luxe. Un très beau musée, à Grasse, patrie de la parfumerie raconte cette histoire et démontre à travers la diversité des créations, sa vitalité et son intérêt artistique et économique.
Expert en flacons à parfum, Bernard Gangler, a ouvert une galerie spécialisée, Parfumum, dans le passage Molière, à deux pas du Centre Beaubourg à Paris. Il y montre la Boule Majestic de Worth créé par Lalique, une boule étoilée qui représente le ciel. Il fait voir le flacon en forme d'encrier de Gabilla, le flacon Diorissimo à décor de brins de muguet, fleur fétiche du couturier. Il dévoile ses plus récentes trouvailles et expose les flacons qui seront soumis aux enchères auxquelles il participe. La dernière s'est déroulée le 16 novembre à l'Hôtel des ventes Talma à Nantes sous le marteau de Me Virginie Bertrand. Résultats: 3 200 euros pour la réédition 1992 ( à 200 exemplaires) du Diorissimo de 1956; 750 euros pour Succès fou de Schiaparelli; 3 300 euros pour Bouquet de Faunes de Guerlain; 450 euros pour Kobako de Bourjois; 1 300 euros pour Tango de Gabilla; 580 euros pour Golli Wogg de Vigny; 850 euros pour Le Petit Théâtre de Lucien Lelong; 1 000 euros pour le buste avec fleurs de Schiaparelli et 600 euros pour une boite de poudre Arpège de Jeanne Lanvin. Sa prochaine vente sera organisée à la fin du mois de mars 2003 via internet, sur iencheres.com; Gilles Néret-Minet tiendra le marteau.
Serpent et cigales
Avec 46 000 euros obtenus sur une estimation de 28 000 euros, le plus joli résultat de la vente organisée le 18 novembre à Drouot-Richelieu par Olivier Coutau-Bégarie, avec l'expertise de Régine de Robien, a été le flacon " Perverse" de Clamy. Tiré à très peu d'exemplaires, cette création de Lucien Gaillard est un flacon en verre clair autour duquel s'enroule en partie haute un serpent gris métallisé qui se prolonge en relief sur le bouchon. Un flacon avec son coffret créé pour le lancement de "Cigalia " de Roger & Gallet, figurant quatre cigales aux ailes repliées a atteint 9 100 euros. Un flacon en forme de cœur rouge rubis avec son bouchon d'ailes satinées des " Parfums de Rosine " de Paul Poiret de 1924, " Cœur en folie ", a été vendu 3 000 euros. Le " Bouquet de faunes " de Guerlain, modèle de Lalique, flacon satiné en forme de vase de jardin partrait pour 1 700 euros. Mais on pouvait aussi emporter pour 430 euros un flacon en cristal de baccarat, sur piédouche dit flacon chauve-souris, de " Shalimar " de Guerlain et pour 200 euros un flacon-tonnelet "Air du Temps" avec sur son bouchon une colombe satinée, de Nina Ricci; pour 180 euros un flacon-montre bleu de " Je reviens", de Worth, signé René Lalique.
Publié par Le Figaro ( 2002 )
L'engouement pour les flacons à parfum est tout récent. Voilà vingt ans encore, ces objets n'avaient guère qu'un prix sentimental. Ils pouvaient certes rappeler un souvenir doux, une date festive, un anniversaire, l'ivresse d'un moment, une personne aimée. Mais en général, une fois vides, on ne les conservait pas. Même les grands parfumeurs envoyaient à la casse, pas encore emplis, ceux qui étaient démodés. Ces petits récipients, parfois de véritables objets d'art, n'ont réellement pris une valeur marchande, d'abord chez quelques antiquaires spécialisés puis dans les ventes aux enchères, que dans les années 80.
Le 1er coup de marteau pour ce marché particulier date de 1986 à l'Hôtel Drouot. A cette initiative, une passionnée, Régine de Robien, qui avait auparavant ouvert à Paris une boutique au nom d'un parfum disparu, Beauté Divine, et un commissaire-priseur curieux, Gilles Néret-Minet. Ce fut un coup de maître et la naissance subite d'un petite folie. Pendant quelques années, disons jusqu'en 1989-90, les acheteurs, passionnés ou investisseurs, musées français et étrangers, parfumeurs désireux de reconstituer l'histoire de leur maison se sont précipités et les prix ont flambé. Ils se sont ensuite calmés. Mais jusqu'à quand?
L'air de la nostalgie
Désormais, bon an mal an, on compte à l'examen de La Gazette de l'Hôtel Drouot, 4 à 5 ventes dédiées à ce genre en France, beaucoup de vacations diversifiées où l'on trouve quelques pièces, ainsi qu'une ou deux ventes à New-York , Chicago, Washington, et autant à Genève, Amsterdam… Mais l'avenir est promis à une grande expansion car, la nostalgie aidant, on redécouvre avec bonheur ces témoignages de l'air du temps, traces d'un passé tout en fragrances, luxe évanoui. Des noms, aussi, de grandes maisons disparues. La gamme des prix y aide beaucoup car elle est extrêmement ouverte et chacun, fortuné ou pas peut y trouver son compte: de 2 euros pour certaines miniatures et jusqu'à 20 000 ou 30 000 euros pour des raretés, voire, exceptionnellement, beaucoup plus. On a ainsi vu à Genève, lors de la vente du 9 novembre organisée par la société Art & Fragances, (expert: Christie Mayer Lefkowith ), dans un contexte très particulier, un flacon historique de Lalique adjugé 120 000 francs suisses, près de 100 000 euros, à un enchérisseur qui manifestement y tenait tout spécialement.
Chaque flacon est une aventure. La première est celle de l'association, en 1907, d'un parfumeur génial, François Coty, avec le célèbre verrier René Lalique. "Donnez à une femme le meilleur produit que vous puissiez préparer, présentez-le dans un flacon parfait d'une belle simplicité, mais d'un goût impeccable, faites le payer un prix raisonnable, et ce sera la naissance d'un grand commerce tel que le monde n'en a jamais vu." C'était de la part de François Coty une assez belle prédiction. Elle se confirmera avec de nombreuses créations plus charmantes les unes que les autres et le développement autour de nombreuses marques d'un des plus beaux fleurons de l'industrie française du luxe. Un très beau musée, à Grasse, patrie de la parfumerie raconte cette histoire et démontre à travers la diversité des créations, sa vitalité et son intérêt artistique et économique.
Expert en flacons à parfum, Bernard Gangler, a ouvert une galerie spécialisée, Parfumum, dans le passage Molière, à deux pas du Centre Beaubourg à Paris. Il y montre la Boule Majestic de Worth créé par Lalique, une boule étoilée qui représente le ciel. Il fait voir le flacon en forme d'encrier de Gabilla, le flacon Diorissimo à décor de brins de muguet, fleur fétiche du couturier. Il dévoile ses plus récentes trouvailles et expose les flacons qui seront soumis aux enchères auxquelles il participe. La dernière s'est déroulée le 16 novembre à l'Hôtel des ventes Talma à Nantes sous le marteau de Me Virginie Bertrand. Résultats: 3 200 euros pour la réédition 1992 ( à 200 exemplaires) du Diorissimo de 1956; 750 euros pour Succès fou de Schiaparelli; 3 300 euros pour Bouquet de Faunes de Guerlain; 450 euros pour Kobako de Bourjois; 1 300 euros pour Tango de Gabilla; 580 euros pour Golli Wogg de Vigny; 850 euros pour Le Petit Théâtre de Lucien Lelong; 1 000 euros pour le buste avec fleurs de Schiaparelli et 600 euros pour une boite de poudre Arpège de Jeanne Lanvin. Sa prochaine vente sera organisée à la fin du mois de mars 2003 via internet, sur iencheres.com; Gilles Néret-Minet tiendra le marteau.
Serpent et cigales
Avec 46 000 euros obtenus sur une estimation de 28 000 euros, le plus joli résultat de la vente organisée le 18 novembre à Drouot-Richelieu par Olivier Coutau-Bégarie, avec l'expertise de Régine de Robien, a été le flacon " Perverse" de Clamy. Tiré à très peu d'exemplaires, cette création de Lucien Gaillard est un flacon en verre clair autour duquel s'enroule en partie haute un serpent gris métallisé qui se prolonge en relief sur le bouchon. Un flacon avec son coffret créé pour le lancement de "Cigalia " de Roger & Gallet, figurant quatre cigales aux ailes repliées a atteint 9 100 euros. Un flacon en forme de cœur rouge rubis avec son bouchon d'ailes satinées des " Parfums de Rosine " de Paul Poiret de 1924, " Cœur en folie ", a été vendu 3 000 euros. Le " Bouquet de faunes " de Guerlain, modèle de Lalique, flacon satiné en forme de vase de jardin partrait pour 1 700 euros. Mais on pouvait aussi emporter pour 430 euros un flacon en cristal de baccarat, sur piédouche dit flacon chauve-souris, de " Shalimar " de Guerlain et pour 200 euros un flacon-tonnelet "Air du Temps" avec sur son bouchon une colombe satinée, de Nina Ricci; pour 180 euros un flacon-montre bleu de " Je reviens", de Worth, signé René Lalique.
Publié par Le Figaro ( 2002 )
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