TSF: Fidèles aux (vieux) postes… ( 2004 )
Fidèles aux (vieux) postes… ( 2004 )
« Ici Londres. Les Français parlent aux Français ». « Malheur aux barbus !» . « Quitte ou double ? ». De Gaulle et Zappy Max, Pierre Dac et Francis Blanche, l’Abbé Pierre et la famille Duraton…Tous ces souvenirs de la T.S.F., la « Téléphonie Sans Fil » comme on appelait alors la radio, peuvent encore se matérialiser. Il suffit de retrouver , dans leurs coffrages vernissés de bois ou de bakélite et sous le regard verdâtre de l’œil magique, les postes à lampes de naguère. Ces témoins du passé peuvent être à vous pour quelques dizaines ou quelques centaines d’euros. Cherchez les au hasard des étals de brocanteurs ou des vide-greniers, chez quelques antiquaires spécialisés des puces ou d’ailleurs ou dans les salles de vente. Même internet avec plusieurs sites spécialisés se fait le vecteur de cet engouement.. Et voici, point d’orgue, que Sotheby’s organise, le 27 mai à Paris, une vente de la collection américano-centrée de Pierre Lescure (l’ancien patron de Canal+), intitulée « Pop Around », dont une belle partie est constituée par un ensemble (mondialement renommé) de plus de 70 postes de radio américains des années 30, 40, 50.
Il n’y a pas lieu de s’étonner de cet intérêt. Outre la nostalgie, il est à la fois historique, technique et esthétique. Autour des solutions technologiques permettant la captation et la traduction audible des ondes, l’imagination et les ébénistes ont créé des quantités de coffrages pour toutes sortes de postes aux formes les plus variées. Mais comment s’y repérer ? Dans leur incroyable diversité, les marques peuvent servir de guides, des marques qui fleurent bon le siècle passé, le XX ème: Audiola, Clarnet-radio, Cristalton, Magivox , Ducastel, Ducretet-Thomson, Pizon-Bros, Sonolor…Allez pour autant vous y retrouver…
Eh bien voici ! Il existe maintenant un travail prodigieux et très utile pour tous ceux que les vieilles radios passionnent ou passionneront un jour : Le Grand Livre de la TSF. Sur 432 pages grand format il contient des milliers de photographies et des renseignements irremplaçables sur les appareils de radio depuis l’avènement de la Sans Fil. Postes à lampe ou à galène et jusqu’au transistor. Chaque appareil est décrit de pied en cap dans cet étonnant musée virtuel.
Encyclopédie
Voilà une dizaine d’années Jean-Michel Bourque, un passionné, a eu l’idée de composer cette encyclopédie tout en créant une association d’amateurs français de T.S .F. « Le grand livre de la TSF en est à sa troisième édition et couvre 11 200 modèles, explique Jean-Michel Bourque. Le suivant paraîtra vraisemblablement dans deux ans…avec 4 000 modèles supplémentaires. »
Personne en réalité ne sait précisément combien de modèles ont vu le jour, ni d’ailleurs combien de fabricants ont donné naissance à ces radios en France. « Avant la Seconde Guerre Mondiale on en comptait probablement plus de 2 000. Mais bien peu ont survécu au conflit mondial puis à l’industrialisation qui a provoqué de nombreux regroupements. C’est pourquoi le recensement continue… ».assure Jean-Michel Bourque. C’est une des tâches poursuivies par l’association Radiofil constituée le 24 février à la Maison de Radio France par fusion entre Rétro-Phonia et l’Association des amis du musée de l’Electro-acoustique. Cette association ( www .radiofil.com) diffuse aussi le livre ( qui est hors commerce traditionnel) et un magazine bimestriel pour les aficionados.
Un des avantages du Grand livre de la TSF est qu’il donne les clés permettant de situer la période de création d’un poste. En voici quelques-unes à l’usage des Béotiens. Le premier indice est la forme. Pour les récepteurs à lampes les plus anciens – des années 1920 à 1928- les lampes sont extérieures. Le modèle piano ( Ducretet, Hardy…) avec un boîtier à deux niveaux est très recherché. Il peut atteindre 6 000 euros. La forme Chapelle ou Cathédrale vient ensuite, dans les années 30. La façade de ces postes dessine une ogive. Le très célèbre modèle de Técalémit de 1932 est le plus connu de ces appareils . Leur succède les formes « boîtes à jambon » (1931-1933) ; les verticaux ; les « postes à oreilles » des années 1947-1954…Le deuxième indice est la matière utilisée pour l’ébénisterie. Les premiers modèles ( de 1929 à 1934), rectangulaires, sont habillés de tôle peinte. Le bois au demeurant a été de tous temps très prisé. Les modèles des années 20 à 30 sont parfois très richement ornés. Le bois plaqué apparaît en 1935. Mise au point en 1909 par le chimiste belge Léo Hendrik Bakeland, la bakélite fait son apparition pour habiller les radios en 1930. D’autres résines plastiques seront ensuite mises à profit : le plexiglas en 1939, le polystyrène en 1950. Le troisième indice est le cadran. C’est un petite lucarne d’abord derrière laquelle défile un disque gradué (1927-1935). En 1932 le cadran devient carré puis rectangulaire. Le nom des stations qui apparaît sur les cadrans vers 1932 donne des renseignements complémentaires. Sachant que Radio Tour Eiffel est la première station de radiodiffusion française. Elle est ouverte en 1921 ; viendront ensuite : Radiola (1922) qui devient Radio-Paris en 1924 (nationalisé en 1933) ; Paris-PTT en 1923 ; Le « Poste Parisien » en 1924 ; Radio LL (de 1926 à 1935) qui cèdera la place à Radio-Cité ; Radio-Vitus, en 1926, qui devient Poste de l’Ile de France en 1934. Radio Luxembourg, sera la première station périphérique en 1933…
Chaque année la Société de ventes volontaires, la Galerie de Chartres, de Mes. Lelièvre, Maiche et Paris, organise deux ou trois ventes autour de la TSF : postes batterie et à galène, appareils de mesure, lampes, documentation, publicité…Et chacune de ces ventes connaît un succès croissant. La prochaine, consacrée à la collection d’un particulier, aura lieu le 9 mai, à Marennes, en Charente Maritime. La suivante, à Chartres, le 20 juin.
Surgi des années 20, un poste à batterie à six lampes extérieures , modèle dit « Piano », avec son ébénisterie en acajou verni et ébonite noire, utilisant trois selfs, équipé de lampes Philips et Eagles s’est vendu 8 800 euros le 14 décembre à la Galerie de Chartres.
Rescapés des années 1930, voici, par exemple trois postes Philips. Le poste secteur 964 AS , Philette, en bakélite brune, façade Art Déco, vendu 400 euros, le 15 juin 2003 à la Galerie de Chartres ; le poste secteur 960 AS de forme borne en bois laqué bordeaux, avec le sigle en ébonite, adjugé 460 euros lors de la même vente ou bien le poste secteur 835 AL, de forme cubique en bois de placage et en bon état parti pour 320 euros lors de la même vacation. Un poste secteur, type « Chapelle » en bois de placage, cadran demi-lune s’est vendu 90 euros.
Plus récents, voici quelques autres appareils. Un poste Pathé en bois de placage de forme verticale à décor de barrettes en métal cuivré et de motifs en bakélite façon ivoire en façade, le tout en bel état a été adjugé 65 euros. Très années 50, un poste de chevet, alimenté au secteur, type BF241U, Philips, en galalithe blanche. Estimé de 30 à 40 euros, a été vendu le 14 décembre à la Galerie de Chartres, 200 euros. Un petit poste portatif à lampes type Fox (1955) en plastique ivoire Radialva a été adjugé 60 euros. Un poste de chevet modèle 20G en bakélite ivoire de Fada Radio (Société française d’importations américaines) a atteint 80 euros.
La publicité faite autour des postes de radio d’antan est aussi recherchée. Des affiches, des calendriers, des plaques émaillées, des présentations de vitrines ont leurs amateurs. Le 14 décembre, à Chartres, une affiche de 155 sur 120 cm. pour Pionnier, le poste sans châssis, s’est vendue 200 euros.
Lors de la vente Pierre Lescure chez Sotheby’s le 27 mai on trouvera notamment une radio Sparton Nocturne bleu ( vers 1936) estimée de 45 à 60 000 euros ; une radio Fada L56 All american de 1939 en trois versions marbelisées ( jaune et rouge, bleu et blanc, jaune et vert, estimées de 6 000 à 12 000 euros) ; deux modèles 50XC de Motorola aux couleurs chatoyantes dont la rouge vermillon, estimée de 7 000 à 9 000 euros.
Mais il reste encore bien des postes chez des particuliers. L’un d’eux, à Cahors, cèderait volontiers à un amateur éclairé son Apex32B acheté en août 1931. L’appareil, monté sur pieds dans son coffrage de bois travaillé et ciré, était autrefois installé dans l’arrière-salle d’un café. Il lui permettait pendant la guerre, ainsi qu’aux Résistants qui l’entouraient, d’écouter les messages venus de Londres…
Publié par Le Figaro ( 2004 )
« Ici Londres. Les Français parlent aux Français ». « Malheur aux barbus !» . « Quitte ou double ? ». De Gaulle et Zappy Max, Pierre Dac et Francis Blanche, l’Abbé Pierre et la famille Duraton…Tous ces souvenirs de la T.S.F., la « Téléphonie Sans Fil » comme on appelait alors la radio, peuvent encore se matérialiser. Il suffit de retrouver , dans leurs coffrages vernissés de bois ou de bakélite et sous le regard verdâtre de l’œil magique, les postes à lampes de naguère. Ces témoins du passé peuvent être à vous pour quelques dizaines ou quelques centaines d’euros. Cherchez les au hasard des étals de brocanteurs ou des vide-greniers, chez quelques antiquaires spécialisés des puces ou d’ailleurs ou dans les salles de vente. Même internet avec plusieurs sites spécialisés se fait le vecteur de cet engouement.. Et voici, point d’orgue, que Sotheby’s organise, le 27 mai à Paris, une vente de la collection américano-centrée de Pierre Lescure (l’ancien patron de Canal+), intitulée « Pop Around », dont une belle partie est constituée par un ensemble (mondialement renommé) de plus de 70 postes de radio américains des années 30, 40, 50.
Il n’y a pas lieu de s’étonner de cet intérêt. Outre la nostalgie, il est à la fois historique, technique et esthétique. Autour des solutions technologiques permettant la captation et la traduction audible des ondes, l’imagination et les ébénistes ont créé des quantités de coffrages pour toutes sortes de postes aux formes les plus variées. Mais comment s’y repérer ? Dans leur incroyable diversité, les marques peuvent servir de guides, des marques qui fleurent bon le siècle passé, le XX ème: Audiola, Clarnet-radio, Cristalton, Magivox , Ducastel, Ducretet-Thomson, Pizon-Bros, Sonolor…Allez pour autant vous y retrouver…
Eh bien voici ! Il existe maintenant un travail prodigieux et très utile pour tous ceux que les vieilles radios passionnent ou passionneront un jour : Le Grand Livre de la TSF. Sur 432 pages grand format il contient des milliers de photographies et des renseignements irremplaçables sur les appareils de radio depuis l’avènement de la Sans Fil. Postes à lampe ou à galène et jusqu’au transistor. Chaque appareil est décrit de pied en cap dans cet étonnant musée virtuel.
Encyclopédie
Voilà une dizaine d’années Jean-Michel Bourque, un passionné, a eu l’idée de composer cette encyclopédie tout en créant une association d’amateurs français de T.S .F. « Le grand livre de la TSF en est à sa troisième édition et couvre 11 200 modèles, explique Jean-Michel Bourque. Le suivant paraîtra vraisemblablement dans deux ans…avec 4 000 modèles supplémentaires. »
Personne en réalité ne sait précisément combien de modèles ont vu le jour, ni d’ailleurs combien de fabricants ont donné naissance à ces radios en France. « Avant la Seconde Guerre Mondiale on en comptait probablement plus de 2 000. Mais bien peu ont survécu au conflit mondial puis à l’industrialisation qui a provoqué de nombreux regroupements. C’est pourquoi le recensement continue… ».assure Jean-Michel Bourque. C’est une des tâches poursuivies par l’association Radiofil constituée le 24 février à la Maison de Radio France par fusion entre Rétro-Phonia et l’Association des amis du musée de l’Electro-acoustique. Cette association ( www .radiofil.com) diffuse aussi le livre ( qui est hors commerce traditionnel) et un magazine bimestriel pour les aficionados.
Un des avantages du Grand livre de la TSF est qu’il donne les clés permettant de situer la période de création d’un poste. En voici quelques-unes à l’usage des Béotiens. Le premier indice est la forme. Pour les récepteurs à lampes les plus anciens – des années 1920 à 1928- les lampes sont extérieures. Le modèle piano ( Ducretet, Hardy…) avec un boîtier à deux niveaux est très recherché. Il peut atteindre 6 000 euros. La forme Chapelle ou Cathédrale vient ensuite, dans les années 30. La façade de ces postes dessine une ogive. Le très célèbre modèle de Técalémit de 1932 est le plus connu de ces appareils . Leur succède les formes « boîtes à jambon » (1931-1933) ; les verticaux ; les « postes à oreilles » des années 1947-1954…Le deuxième indice est la matière utilisée pour l’ébénisterie. Les premiers modèles ( de 1929 à 1934), rectangulaires, sont habillés de tôle peinte. Le bois au demeurant a été de tous temps très prisé. Les modèles des années 20 à 30 sont parfois très richement ornés. Le bois plaqué apparaît en 1935. Mise au point en 1909 par le chimiste belge Léo Hendrik Bakeland, la bakélite fait son apparition pour habiller les radios en 1930. D’autres résines plastiques seront ensuite mises à profit : le plexiglas en 1939, le polystyrène en 1950. Le troisième indice est le cadran. C’est un petite lucarne d’abord derrière laquelle défile un disque gradué (1927-1935). En 1932 le cadran devient carré puis rectangulaire. Le nom des stations qui apparaît sur les cadrans vers 1932 donne des renseignements complémentaires. Sachant que Radio Tour Eiffel est la première station de radiodiffusion française. Elle est ouverte en 1921 ; viendront ensuite : Radiola (1922) qui devient Radio-Paris en 1924 (nationalisé en 1933) ; Paris-PTT en 1923 ; Le « Poste Parisien » en 1924 ; Radio LL (de 1926 à 1935) qui cèdera la place à Radio-Cité ; Radio-Vitus, en 1926, qui devient Poste de l’Ile de France en 1934. Radio Luxembourg, sera la première station périphérique en 1933…
Chaque année la Société de ventes volontaires, la Galerie de Chartres, de Mes. Lelièvre, Maiche et Paris, organise deux ou trois ventes autour de la TSF : postes batterie et à galène, appareils de mesure, lampes, documentation, publicité…Et chacune de ces ventes connaît un succès croissant. La prochaine, consacrée à la collection d’un particulier, aura lieu le 9 mai, à Marennes, en Charente Maritime. La suivante, à Chartres, le 20 juin.
Surgi des années 20, un poste à batterie à six lampes extérieures , modèle dit « Piano », avec son ébénisterie en acajou verni et ébonite noire, utilisant trois selfs, équipé de lampes Philips et Eagles s’est vendu 8 800 euros le 14 décembre à la Galerie de Chartres.
Rescapés des années 1930, voici, par exemple trois postes Philips. Le poste secteur 964 AS , Philette, en bakélite brune, façade Art Déco, vendu 400 euros, le 15 juin 2003 à la Galerie de Chartres ; le poste secteur 960 AS de forme borne en bois laqué bordeaux, avec le sigle en ébonite, adjugé 460 euros lors de la même vente ou bien le poste secteur 835 AL, de forme cubique en bois de placage et en bon état parti pour 320 euros lors de la même vacation. Un poste secteur, type « Chapelle » en bois de placage, cadran demi-lune s’est vendu 90 euros.
Plus récents, voici quelques autres appareils. Un poste Pathé en bois de placage de forme verticale à décor de barrettes en métal cuivré et de motifs en bakélite façon ivoire en façade, le tout en bel état a été adjugé 65 euros. Très années 50, un poste de chevet, alimenté au secteur, type BF241U, Philips, en galalithe blanche. Estimé de 30 à 40 euros, a été vendu le 14 décembre à la Galerie de Chartres, 200 euros. Un petit poste portatif à lampes type Fox (1955) en plastique ivoire Radialva a été adjugé 60 euros. Un poste de chevet modèle 20G en bakélite ivoire de Fada Radio (Société française d’importations américaines) a atteint 80 euros.
La publicité faite autour des postes de radio d’antan est aussi recherchée. Des affiches, des calendriers, des plaques émaillées, des présentations de vitrines ont leurs amateurs. Le 14 décembre, à Chartres, une affiche de 155 sur 120 cm. pour Pionnier, le poste sans châssis, s’est vendue 200 euros.
Lors de la vente Pierre Lescure chez Sotheby’s le 27 mai on trouvera notamment une radio Sparton Nocturne bleu ( vers 1936) estimée de 45 à 60 000 euros ; une radio Fada L56 All american de 1939 en trois versions marbelisées ( jaune et rouge, bleu et blanc, jaune et vert, estimées de 6 000 à 12 000 euros) ; deux modèles 50XC de Motorola aux couleurs chatoyantes dont la rouge vermillon, estimée de 7 000 à 9 000 euros.
Mais il reste encore bien des postes chez des particuliers. L’un d’eux, à Cahors, cèderait volontiers à un amateur éclairé son Apex32B acheté en août 1931. L’appareil, monté sur pieds dans son coffrage de bois travaillé et ciré, était autrefois installé dans l’arrière-salle d’un café. Il lui permettait pendant la guerre, ainsi qu’aux Résistants qui l’entouraient, d’écouter les messages venus de Londres…
Publié par Le Figaro ( 2004 )
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