Visite tardive à "Musée haut, Musée bas" de Jean-Michel Ribes
Visite tardive à "Musée haut, Musée bas" de Jean-Michel Ribes
Visite trop tardive. Je l'admets volontiers. Faut-il que je m'en excuse ? - comme on dit en excellent français - ou comme on peut dire aussi et qui est équivalent selon les meilleurs grammairiens : Faut-il que je demande que l'on m'en excuse ? Je m'explique. Quand le film est sorti, en 2008, j'ai fait la fine bouche et j'ai négligé ce spectacle, que j'avais aussi raté au théâtre. Trop de buzz à la télévision, trop de séquences montrées ici ou là - toujours les mêmes- avec les grandes vedettes... J'imaginais une sorte de "Palace" déjanté mais fatigant à force de bons mots et de numéros d'acteurs... J'aurais dû me méfier de l'a-priori et du jugement à l'emporte-pièce. En toute fin de soirée, ce samedi, ou en début de matinée, ce dimanche, - c'est selon - j'ai donc regardé sur Canal + le film de Jean-Michel Ribes. Et je n'ai pas été déçu."Musée haut, Musée bas" est bien un film déjanté et name-dropper, mais c'est aussi une sorte de chef d'oeuvre. J'aurais pu m'en douter. Jean-Michel Ribes est un fou comme on les aime, et à sa manière un génie. "Musée haut, Musée bas" est à la fois un spectacle de Music Hall et une oeuvre... philosophique. Avec son casting de folie il fait exploser en mille saynètes bouffones et parfois désopilantes le reportage sur un musée et ses visiteurs ( c'est le plus immédiat ) , mais dans sa dramaturgie il propose une vision de l'art et un décryptage de la société qui donnent à réfléchir. Et c'est là qu'on est le plus admiratif du talent de Ribes. Déjà le casting. Qui peut se glorifier ( mis à part Jean-Pierre Mocky qui est un autre génie ) d'avoir mis en scène tant de brillantissimes à la queue le leu ? Je les cite: Michel Blanc en conservateur de Musée contemporain frappé et électrique, Victoria Abril, Pierre Arditi, Josiane Balasko, Jean-Damien Barbin, Urbain Cancelier, Isabelle Carré, Loïc Corbery, Eva Darlan, François-Xavier Demaison, André Dussolier, Julie Ferrier, Xavier Gallais, Guillaume Galienne, Laurent Gamelon, Annie Gregorio, Patrick Haudecoeur, Gérard Jugnot, Philippe Khorsand, Valérie Lemercier, Michel Lescot, Fabrice Luchini, Valérie Mairesse, Yolande Moreau, François Morel, Chantal Neuwirth, Christian Hecq, Dominique Pinon, Daniel Prévost, Farida Rahouadj, Alexie Ribes, Muriel Robin, Evelyne Bouix, Pierre Lescure, Tonie Marshall, Aurelia Petit, Alexis Rault, Samuel Theis, Samir Guesmi, Saïda Jawad, Marilu Marini, Patrick Ligardes, Grégory Gadebois, Stéphanie Bataille, Dominique Besnehard, Franck de la Personne, Sébéstien Barrio, Simon Abkarian, Alfredo Arias, John Arnold, Sophie Artur, Hélène Babu, Émeline Bavart, Judith Chemla... Il faut les nommer, nommer tous ces acteurs qui composent par leur apports complémentaires et leurs talents divers un paysage breughelien ou dantesque, un vaudeville beckettien ou ionescien, marxien (comme Groucho ) parfois ( hélas!) un brin marxiste... Mais ce qui frappe le plus, c'est qu'avec ce film on se trouve plus près du surréalisme de la bonne époque - celle du "Chien andalou" et des pamphlets antireligieux de Bunuel ( ah!! ces quinze Saintes Vierges qui se rencontrent au musée, cette "Mise au tombeau" qui n'en est pas une... ) que du côté de Patrick Sébastien. Et l'on conservera, comme images prophétiques, ces visions d'apocalypse, avec les invasions de grenouilles, de cafards, de corbeaux ( et cette sole découverte dans les réserves!!! ) .... qui prennent possession du Musée.... c'est à dire de la Civilisation. Et pendant ce temps, les plantes, les arbustes, la végétation gagne. La Nature reprend ses droits et l'eau, partout, monte engloutissant dans une catastrophe universelle, dans un Déluge méta-historique tout ce que l'Homme a conçu de plus intéressant et de plus beau. Ribes n'a pas osé la Fin tragique qui est en filigrane et il s'en tire, il nous en tire par une jolie et amusante pirouette, celle du Radeau. Bon... Mais il nous a flanqué une belle trouille. Une trouille pascalienne. Et sans réponse.
Daniel